Le charme vintage des vermouths de Contratto

Le vermouth a eu la vie dure au cours des dernières décennies. Apéritif de choix du début du XXe siècle, on le voit surtout maintenant en ingrédient dans des cocktails ou à la main de votre vieille personne préférée. Ceci dit, au cours des dernières années, le vermouth connaît une renaissance, poussé entre autres par l’intérêt envers la mixologie et les alcools amers.

Chez Contratto, la première recette de vermouth date de la fin du 19e siècle. À l’époque, la macération du vin dans un mélange d’herbes et d’aromates avait pour but de cacher le goût de vins oxydés. C’est dans les années 1920 que les recettes ont été revues afin d’alléger le style et d’utiliser du vin “frais” et ont connus beaucoup de succès. La consommation mondiale de vermouth décliné après la deuxième guerre mondiale au point où la compagnie Contratto a même arrêté la production dans les années 1960.

Contratto Vermouth Rosso
Contratto Vermouth Rosso

Gardée à flots par sa production de mousseux qui faisait sa renommée depuis sa fondation, la maison a décidé de se remettre à la production de vermouth en 2013, après l’acquisition de la maison par la famille Rivetti, derrière le domaine piémontais La Spinetta. La maison commercialise maintenant le Bianco, le Rosso et l’Americano. Ces deux derniers se ressemblent puisque la base d’aromates est sensiblement la même, l’americano étant à la fois légèrement plus sucré et amer que le Rosso.

Les recettes en tant que telles sont gardées secrètes – ça fait un peu partie du charme du vermouth – permettant à chaque maison de se démarquer de ses compétitrices et d’élaborer un style qui leur est propre.

Les vermouths de Contratto se situent du côté Complexe et Sucré du spectre. Sucré parce qu’on est à environ 190 g/l de sucre dans chacun des trois vermouths de la gamme. Ne vous inquiétez pas, l’amertume vient équilibrer le tout. Complexe, parce que, dans tous les cas, le nez est envoûtant et particulièrement difficile à décrire. Tantôt écorce d’orange, tantôt épices, tantôt caramel (pour le vermouth rosso et l’americano), les saveurs s’intègrent et s’entremêlent pour finalement former un tout cohérent.

À la base de plusieurs cocktails classiques (Negroni, Manhattan, Vesper, etc.), il est un incontournable dans l’arsenal de tout barman qui se respecte, mais personnellement, j’aime bien déguster en apéritif sur glace avec une zeste de citron pour ajouter un petit peu plus d’acidité.

Aussi, en été, lorsque les petits fruits des champs sont à leur apogée, on peut faire aussi un dessert tout simple en faisant macérer fraises, framboises et bleuets pendant 24 heures dans un pot mason rempli de vermouth blanc. Le vermouth et les fruits d’aromatiseront mutuellement et, avec le Vermouth Bianco de Contratto, qui est plus structuré que la majorité de ses congénères, on trouvera un bel équilibre.

Le Vermouth Bianco et le Vermouth Rosso sont tous deux disponibles en produits SAQ Signature (et sur SAQ.com au moment d’écrire ces lignes). Le

Merci à Elixirs pour les échantillons des vermouths de Contratto. 

The Old Third, Prince Edward County, Pinot Noir 2013

The Old Third Pinot Noir 2013
The Old Third Pinot Noir 2013

Le comté de Prince-Edward fait tourner bien des têtes dans le monde vinicole depuis quelques années. Cette presqu’île s’avançant dans le lac Ontario entre Kingston et Belleville est en train de se bâtir une belle réputation principalement pour la qualité de leur chardonnay et de leur pinot noir, avec en tête de liste des producteurs comme Norman Hardie et Closson Chase.

C’est sur la route Closson qu’on retrouve le petit vignoble de Bruno François et Jens Korberg. Ce coteau de deux hectares orienté sud-sud-est est planté avec du pinot noir et du cabernet franc, à une densité particulièrement élevée pour Prince Edward County. Cette densité a pour conséquence de forcer les racines de la vigne en profondeur et, parce que l’espace est trop restreint pour y amener de la machinerie, de tout faire manuellement. Ils ont choisi de produire leur vin hors de l’appellation VQA – ce qui leur a amené quelques petits soucis avec des fonctionnaires zélés – principalement pour avoir la latitude nécessaire pour faire leurs propres choix de culture.

Dans le verre, les amateurs de Bourgogne seront comblés car le vin est bâti sur les notes de petits fruits rouges acidulés, fraises, cerises et canneberges croquantes et acidulés, à la fois au nez et en bouche. Le nez est particulièrement envoûtant et ajoute une composante florale et légèrement épicée. Classe et finesse sont les mots que je retiendrais. Il faut aimer avoir une certaine dose d’acide dans son pinot, à mille lieux de ce qu’on peut retrouver plus au sud.

Pour s’en procurer, c’est au vignoble que ça se passe. Oui, c’est un des producteurs qui vend son vin au prix le plus élevé de la région (payé ~45$ en 2014), mais je n’aurais pas de problèmes à le placer auprès de ses confrères bourguignons du même prix, je suis certain qu’il s’en tirerait très bien.

Nouvelle-Écosse: Marée montante

C’est une heure au nord-ouest d’Halifax qu’on retrouve la région viticole la plus à l’est de l’Amérique du Nord, la vallée de l’Annapolis. Ce petit coin de la Nouvelle-Écosse émerge sur la scène viticole mondiale depuis quelques années avec des vins blancs et des mousseux de grande qualité.

À marée haute, les vignes ont presque les pieds dans l’eau

Aujourd’hui, une vingtaine de producteurs se concentrent autour de Wolfville, là où la baie de Fundy devient le bassin de Minas. On est ici tout juste à la limite de la zone de maturation des vitis vinifera, les eaux de la baie venant tempérer le climat et allonger un peu la saison, permettant aux vignes de survivre en hiver et de repousser les épisodes de gel tout juste assez pour permettre aux raisins d’arriver à maturité.

Comptant aujourd’hui une vingtaine de producteurs, la région propose une offre particulièrement cohérente, organisée autour des mousseux et des vins blancs produits à partir d’assemblages de vitis vinifera et de cépages hybrides. On y retrouve bien quelques rouges, mais ce n’est pas avec quoi la région cherche à se démarquer.

L’appellation Tidal Bay a ainsi été mise sur pied en 2012 et une douzaine de domaines produisent maintenant un vin dans cette appellation. Ils mettent de l’avant l’acidité et la minéralité qui caractérisent la région, de même qu’un profil aromatique qui va de pair avec les fruits de mer, un choix logique pour un vin d’un climat maritime comme celui de la Nouvelle-Écosse. N’attendez pas un vin totalement sec, par contre, ils possèdent un peu de sucre résiduel qui vient arrondir un peu les angles.

Quelques producteurs à ne pas manquer

Benjamin Bridge est un des domaines qui a propulsé les bulles néo-écossaises sur la scène mondiale. Plantées à partir de 2001, dans la vallée de Gaspareau, légèrement plus chaude au printemps que les vignobles plantés directement à côté de la baie. À la tête de l’équipe, le Québécois Jean-Benoît Deslauriers s’est attiré des compliments d’un peu partout sur la planète, et pour cause.

Il s’agit du seul producteur néo-écossais dont les vins se retrouvent sur les tablettes de la SAQ. Pour une introduction au style de la maison, tentez de mettre la main sur le Brut 2009 ou 2011 ou optez pour la cuvée Réserve 2010 pour le passer en pirate dans une dégustation de champagnes.

En plus de ces cuvées qui font l’orgueil de la maison, près de la moitié de la production est composée du Nova 7; cet assemblage à base de Muscat de New York, Vidal, Ortega et L’Acadie composant 11000 des 22000 caisses produites par le domaine. Légèrement pétillant, peu alcoolisé, très aromatique et avec un taux de sucre important, un peu à la manière d’un moscato d’Asti. Les amateurs de Nivole y trouveront chaussure à leur pied et les autres y prendront goût par une chaude journée l’été prochain.

Chez Lightfoot & Wolfville, on n’a pas lésiné sur les moyens pour accueillir les gens en grand, avec une magnifique salle de dégustation et boutique, donnant sur les vignes et des espaces pour accueillir des événements. La qualité de l’accueil rivalise avec la qualité et l’attention protée aux vins, produits en agriculture biodynamique.

On a pu goûter à des vins pleins de vie, typiquement néo-écossais et vachement bien faits. La production étant encore assez limitée, le meilleur moyen de mettre la main sur ces cuvées est de ce rendre sur place (ou de dire mille mercis à un ami qui va vous ramener une bouteille…!

Chez Blomidon Estate Winery, le sympathique terrenevois d’origine Simon Rafuse a aussi fait des vins mousseux sa priorité. C’est chez eux que se retrouvent parmi les plus vieillies vignes de chardonnay, plantées au début des années 1980. Témoin de la force et de l’influence des marées, à marée haute, les vignes ont presque les pieds dans l’eau alors que celle-ci se retrouve à près de 100 mètres au large à marée basse! La cuvée tirée des vignes de l’Acadie est aussi particulièrement recommendable.

De ce côté de la baie, par rapport à la vallée de Gaspareau ou des environs de Wolfville, le printemps est un peu plus tardif, mais la saison se prolong en automne. “Un avantage” selon Simon Rafuse, “ça nous permet d’avoir des raisins qui mûrissent sans peu du gel sur une base plus régulière. J’échange volontiers une semaine au printemps contre deux à l’automne!”.

Pour s’y rendre

On doit compter une dizaines d’heure de route depuis Québec pour se rendre jusqu’à Wolfville. Selon le degré d’empressement, on pourra choisir de couper la route en deux et de coucher à St-Jean au Nouveau-Brunswick puis de prendre le traversier le lendemain matin. Sur place, planifier quelques jours pour faire le tour sans se prendre la tête, possiblement en combinant avec un saut de puce à Halifax, situé à une heure de route.

Un vin mythique

Lorsqu’on parle de vin mythiques, on a immédiatement en tête (avec raison), les grands crus de ce monde: Pétrus, Romanée-Conti, Opus One, Cheval Blanc, etc. Ces vins ont atteint le statut de mythe grâce à plusieurs années de faire le meilleur vin sur la planète. La culture populaire peut aussi faire passer un vin dans la catégorie des vins mythiques, pour des raisons évidemment complètement différentes.

C’est ainsi que lors de vacances récentes en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, j’ai eu l’occasion de mettre la main sur un de ces vins: le mythique Baby Duck – en magnum, s’il-vous-plaît! Il a été parmi les vins les plus populaires au Québec dans les années 1960 et 1970, mais n’est plus commercialisé par la SAQ depuis un bon moment. Je ne pouvais pas me permettre de passer à côté de la “chance” de goûter à cette bouteille.

N’écoutant que mon courage, j’ai servi cette bouteille à l’aveugle à l’apéro lors d’une dégustation organisée avec les collègues. On verse dans les verres et une mousse intense se forme par-dessus le vin, ne laissant présager rien de bon.

Baby DuckBaby Duck

Au nez, si vous ave une de l’expérience avec le jus de raisin Welch’s, vous ne serez pas dépaysé. C’est un nez malheureusement très intense et il est difficile de passer par-dessus. En bouche, ce sont principalement les 50 grammes par litre de sucre résiduel qui prennent toute la place. Les bulles pétillent comme une boisson gazeuse et tapissent la bouche. La sensation désagréable persiste encore beaucoup trop longtemps. Sur le bord de la piscine, l’été quand il fait (très) chaud, pour prendre avantage du fait que le vin ne titre que 7% d’alcool? Peut-être, mais on peut trouver des meilleures options en quelques secondes…

Bref, j’ai encore des amis au bureau, mais ils seront plus prudents à l’avenir lorsque je leur servirai un vin à l’aveugle. Ceci dit, je suis bien content d’avoir goûté à ce vin mythique, mais je n’ai pas l’intention d’essayer de récidiver bientôt. Si vous voulez faire l’expérience par vous-mêmes, ce vin est encore commercialisé en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

La fin du magnum...
La fin du magnum…

 

Domaine du Nival – Cuvée expérimentale Pinot Noir 2014

Il y a de ces vins qui viennent vous chercher, qui vous transportent et pour lesquelles les descriptions ne sont pas adéquates. J’ai eu le privilège de mettre la main sur une bouteille de la Cuvée expérimentale de pinot noir du Domaine du Nival et je le classe sans hésitation dans cette catégorie.

En se rendant au domaine, on quitte l’autoroute 20 vers St-Louis-de-Yamaska et on traverse une plaine parsemée de fermes laitières. Au détour d’un chemin, on découvre un des rares coteaux de la région, qui surplombe la rivière Yamaska et la vigne apparaît. Le domaine du Nival est une destination, on n’y passe pas par hasard.

C’est là que le duo père-fil de Denis et Matthieu Beauchemin ont décidé de planter en 2012 des vignes de Vidal, Pinot Noir, Gamaret (un cépage d’origine suisse) et quelques curiosités québécoises comme de l’Albariño, de la Petite Arvine et du Gamay. Agriculture et vinification en biodynamie, travail au champ “à bras”, attention au détail.

Dans le coteau, le pinot noir et la gamaret. En contre-bas, non loin de la rivière, le vidal. Cachée derrière une petite rangée d’arbre, dans une pente bien abrupte, l’albariño (et un des coups d’oeil les plus spectaculaires). En haut, près du chai, la petite parcelle expérimentale…

Le domaine du Nival à l'automne (Source: http://nival.ca)
Le domaine du Nival à l’automne. À gauche, le pinot et le gamaret. Au fond, l’albariño et devant, le vidal. (Source: http://nival.ca)

Au cours des dernières années, le domaine a eu particulièrement bonne presse et leurs cuvées s’envolent comme des petits pains chauds. Celle-ci, malgré le fait que les vignes ne soient âgées que de deux ans, le fruit est éclatant, malgré des signes d’évolution bien marqués. J’ai donc dans mon verre un beau pinot noir à son apogée, vivant et vibrant.

Le but ici n’est pas de vous écoeurer avec une bouteille qui n’est pas en vente, mais plutôt de partager mon enthousiasme et mon émotion devant ce qui est, à mon sens, parmi les meilleurs vins produits au Québec.

Le domaine va mettre en vente dans les prochains jours ses cuvées 2016 des Entêtés, un assemblage de pinot noir et de gamaret et de Matière à Discussion, un vidal élevé en fûts. Même si le millésime 2016 a été difficile chez eux à cause d’une violente attaque de cicadelles, limitant la photosynthèse (et le taux de sucre des raisins) en fin de saison, le vin que j’ai goûté au domaine lors de mon passage en juillet est terriblement délicieux.

Si j’étais vous, je ne niaiserais pas.