Mettre du volcan dans son verre

L’image d’un vin issu d’un volcan est forte. On imagine les coulées de lave, le panache de fumée s’élevant au-dessus des vignes. Or, à part des exceptions bien précises (on pense à l’Etna lorsqu’il est en éruption et aux vignes poussant dans les paysages lunaires de Lanzarote aux Îles Canaries), les volcans ne sont plus directement actifs depuis un bon moment. Or, leur influence se fait toute de même sentir dans les vins issus de ses régions.

L’intérêt pour les vins d’origine volcanique ne se dément pas. Suite à la publication du superbe livre Volcanic Wines: Salt, Grit and Power, le sommelier canadien John Szabo a organisé le mois dernier à New York la première conférence internationale sur les vins d’origine volcanique, regroupant une cinquantaine de producteurs d’un peu partout sur la planète afin de montrer ce que ces vins ont en commun et ce qui les rend spéciaux.

Vignoble de Los Berjemos - Lanzarote
Vignoble de Los Berjemos – Lanzarote

Il serait faux de penser que les sols volcaniques sont tous similaires, mais ils présentent des choses importantes en commun ayant une influence importante sur le vin qu’il produit. Ces sols sont pauvres, forçant la vigne à y puiser profondément, limitant naturellement le rendement de la vigne. Généralement, leur capacité de rétention d’eau est faible, ce qui pousse la vigne à produire des raisins et des grappes plus petites, augmentant ainsi le ratio peau/jus. Résultat: des vins généralement plus denses et plus extraits, offrant une texture en bouche plus dense que la moyenne.

Aussi, les sols volcaniques sont des milieux inhospitaliers pour le phylloxéra, cet insecte qui a ravagé les vignes depuis le milieu du 19e siècle. On retrouve ainsi des vignes généralement plus vieilles. Il n’est pas rare de trouver à Santorini des vignes quelques fois centenaires (oui, tout est plus ancien en Grèce…!), et cette tendance s’observe aussi dans plusieurs autres régions. Ces régions ont conservé plusieurs cépages historiques qui auraient autrement disparu, ajoutant à la diversité du paysage, parce que tout n’est pas cabernet, merlot et chardonnay dans la vie!

Le sol d’où est issu les vignes n’est qu’une partie du casse-tête qu’on nomme le terroir, mais il s’agit d’une pièce significative. Le climat, la géographie de même que l’influence humaine ont aussi leur mot à dire dans l’équation, contribuant à la formidable diversité qu’on retrouve dans le monde du vin.

Même si les sols d’origine volcaniques comptent pour environ 1% de la surface terrestre, il contribuent pour une portion significativement plus grande des grands vignobles sur la planète. On n’a qu’à penser à Santorini, Napa, Soave, l’Etna et la Campanie, toutes des régions au passé volcanique bien actif. Voici donc quelques suggestions de régions à explorer pour mettre du volcan dans son verre.

Etna, Sicile

La sélection de vins de l’Etna à la SAQ ne cesse de s’agrandir, pour mon plus grand bonheur. Ces vins issus de nerello mascalese (pour les rouges) et de carricante (pour les blancs) occupent une place spéciale dans ma cave depuis mon passage dans la région en 2013. Ceci dit, ils ont tendance à s’envoler rapidement des tablettes de la SAQ, il faut généralement ne pas trop tarder lorsqu’on les voit arriver.

Les blancs, qui reçoivent souvent moins d’attention que les rouges de la région, offrent une salinité et une tension remarquable, que vous retrouverez dans le Etna Bianco Alta Mora de Cusumano (13367979 – 26$). Du côté des rouges, on s’attend à des vins mi-corsés, qui mettent de l’avant cerises et épices, avec un côté fumé jamais très loin. Des sols volcaniques, ils viennent tirer une texture énergétique en milieu de bouche qui vient vraiment tirer le vin vers le haut. Parmi mes préférés, on note Graci Etna Rosso (13041830 – 27,15$) et l’Etna Rosso de Tenuta delle Terre Nere (12711176 – 27,95$).

Santorini, Grèce

Ça s’est plutôt mal terminé pour les habitants de Santorini, au printemps de 1613 avant JC. En moins de 48 heures, toute trace de vie sur l’île avait disparu sous près de 40 mètres de dépôts volcaniques Aujourd’hui, ce sol abrite de très (très!) vieilles vignes d’assyrtiko, à peu près toutes élevées de manière biologique est inhospitalier pour à peu près n’importe quoi d’autre.

Vignes d'assyrtiko à Santorini (Photo: http://www.greece-is.com/)
Vignes d’assyrtiko à Santorini (Photo: http://www.greece-is.com/)

Même si les bouteilles s’envolent à la vitesse de l’éclair, vous devriez faire des pieds et des mains pour les cuvées d’Hatzidakis (11901171 – 28,50$) et avoir la patience de les oublier quelques années en cave. À défaut des cuvées du maître, on se rabattra avec plaisir vers l’assyrtiko d’Argyros (11639344- 25,95$), presque transparent dans le verre et qui ramène tout droit au bord de la mer.

Soave, Veneto

Ici, on est loin de l’imaginaire des pieds de vigne qui poussent dans les coulées de lave séchées. Les volcans qui ont laissé leur trace dans l’appellation au nord-ouest de Venise ont connu leur pic d’activité il y a environ 50 millions d’années.

Il faut aussi tenir en compte que l’appellation a souffert de sa popularité dans les années 1970 et que la zone de production a été agrandie à plusieurs reproses pour inclure des zones plus fertiles qui donnent des vins peu mémorables. Pour s’y retrouver, on recherche l’appellation Soave Classico, qui englobe les collines au centre de l’appellation, à prédominance volcanique. Un exercice intéressant est de contraster les deux cuvées de Pieropan: Calvarino (741058 – 28,55$) est élevée sur solve volcanique et La Rocca (897066 – 37,50$) provient d’une zone calcaire de l’appellation. Le Calvarino montre un aspect plus mûr et une bouche un peu plus puissante que La Rocca, qui a d’avantage de finesse et une bouche plus vive.

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Julien Marchand

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