Un Fleurie qui disparaît trop rapidement

Parfois, lorsqu’on ouvre une bouteille pour accompagner le souper, je me dis que j’ai envie de voir comment il va évoluer sur quelques heures, jusqu’au lendemain. Sur deux jours, on a souvent une meilleure idée de ce que le vin a dans le corps: le nez prend de l’ampleur et se complexifie, la bouche, lorsque bien équilibrée reste droite et aucun élément ne prend le dessus sur les autres.

Parfois, malgré toutes nos bonnes intentions, on cligne des yeux et la bouteille est vide. C’est tout à fait ce qui s’est passé cette semaine après avoir ouvert une bouteille de Fleurie Les Garants 2009 de Pierre-Marie Chermette. Pour documenter, il faut même aller extirper la bouteille vide du bac de recyclage…

Les crus de Fleurie sont traditionnellement reconnus pour leur délicatesse et leur féminité. Moulin-à-Vent, tout juste à côté, offre typiquement des vins plus structurés et un peu plus imposants. Oui, il peut y avoir de la structure dans le Beaujolais. La parcelle des Garants, située tout près de cette dernière, offre le meilleur des deux appellations.

Du fruit rouge à revendre, comme dans plusieurs Beaujolais, mais ça ne s’arrête pas là. Des fleurs et une petite pointe d’épice viennent complexifier le nez. En bouche, l’ampleur de 2009, millésime historique dans la région, se fait sentir. Malgré toute la générosité du fruit, il y a toujours cette acidité rafraîchissante qui garde le tout en équilibre. Cette grande sapidité a fait disparaître la bouteille en moins de deux, nous laissant nous demander pourquoi j’en avais pas acheté plusieurs exemplaires

Certes, pour plusieurs, payer 26$ pour un Beaujolais frôle l’hérésie. Effectivement, ce n’est pas donné, mais à ce prix, on est parmi ce qui se produit de mieux dans cette région du monde. À Bordeaux ou ailleurs, pour 26$, on est proche du top des appellations…? Poser la question, c’est y répondre…

Avis aux intéressés: au moment d’écrire ces lignes, il n’en restait que 2 dans toute la province… Toutefois, le Fleurie Poncié 2010 est un peu plus disponible. Quant au Brouilly 2010 qui lui est abondant, il m’a un peu déçu, un peu trop bonbon à mon goût. Préférez-lui le simple Beaujolais Les Griottes et prenez le 6$ économisé pour acheter une belle charcuterie!

Vignoble de Sainte-Pétronille

Faire du bon vin au Québec

Faire du vin, au Québec, relève du défi, ou selon certains, de l’inconscience même. Il fait froid l’hiver, l’été est court ce qui fait que les cépages traditionnellement utilisés pour faire du vin n’arrivent souvent pas à maturité. De plus, le consommateur québécois n’est pas particuièrement ouvert aux vins du Québec, même si l’achat local est une considération de plusieurs dans leurs achats. Mauvaises expériences? Préjugés? Vin qui ne cadre pas dans leur goûts?

L’exemple de deux vignobles au Québec nous montre qu’il est possible, avec quelques bonnes décisions, de produire du vin de qualité au Québec et de tenter de plaire au consommateur.

Le vignoble de Sainte-Pétronille

Tout près de Québec, sur l’Ile d’Orléans, se retrouve le vignoble de Ste-Pétronille. En sortant du pont de l’Ile, on tourne à droite pour arriver dans un site spectaculaire, surplombant les fleuve et la chute Montmorency. Cinq hectares de vignes, cultivées depuis 2003 par Nathalie Lane et Louis Denault à la sueur de leur front, desquels sont tirés 6 cuvées.

Vignoble de Sainte-Pétronille
Vignoble de Sainte-Pétronille

Le Voile de la Mariée, un assemblage de Vandal-Cliche et de Vidal, est un beau blanc sec et rafraîchissant, qui sans nécessairement être le plus complexe, peut faire bien des heureux cet été, surtout qu’il se détaille que 15.50$. Pour ceux qui recherchent un peu plus d’ampleur, la Réserve du Bout de l’Ile voit un peu de barrique et provient de vignes plus vieilles.

Aussi, le vignoble a planté il y a quelques années des vignes de riesling, la première expérience avec des vignes vinifera pour le domaine. Cette année, avec le printemps hâtif, ce sont les premières vignes dont les bourgeons ont éclos, avant même les cépages hybrides. Le premier millésime de riesling n’est pas encore commercialisé, une toute petite vendange ayant été faite l’année dernière, mais j’ai déjà hâte de voir ce que ça va donner. C’est tout à fait encourageant pour la suite!

Vignoble Carone

Chez Carone, l’objectif est clair: on veut “repousser les limites de la viticulture et la vinification au Canada.” Sangiovese, Nebbiolo, Pinot Noir et Merlot entrent dans la composition de la gamme Venice, tous cultivés au vignoble de Lanoraie, un peu moins d’une heure au nord de Montréal. On y retrouve aussi de plantations de Cabernet Servernyi (un hybride originaire de Russie) et de Frontenac (que le vigneron veut peut-être arracher…)

J’ai eu l’occasion de goûter au Pinot Noir Venice lors du Foodcamp à la fin avril. Servi en complément de la démonstration moléculaire de Frédéric Laplante de La Tanière, il se mariait bien avec la mousse de perdrix enveloppée dans une gelée de cerises. Cet agencement le plaçait définitivement sous son meilleur jour, car il profitatit de la richesse de ce plat. Seul, il manquait alors un peu de profondeur. Si vous voulez juger par vous-mêmes, cette cuvée est disponible pour 36$ à la SAQ.

La cuvée Double Barrel quant à elle est composée de Cabernet Servernyi et de Sangiovese et passe 12 mois en barriques de chêne américain avant d’être transféré pour un 4 mois supplémentaire en barriques françaises. Il en résulte un vin qui prend de la place, avec l’élevage à l’avant-plan et qui laisse peu de place au compromis. Vendu au prix de 55$, le domaine veut faire un “statement” et cherche à démontrer qu’on peut arriver à des résultats intéressants en rouge au Québec grâce aux progrès de l’oenologie moderne. Toutefois, je trouve que ces choix au niveau de la vinification en font un vin technique, hyper-travaillé et qui aurait pu venir d’à peu près n’importe où au monde. Certains l’aiment bien, mais je dos admettre que ce vin n’est pas pour moi.

L’industrie vinicole au Québec est jeune et plutôt désorganisée. Les expériences du vignoble Carone pourront certainement ouvrir les yeux à certains sur le potentiel vinicole de la Belle Province. Les blancs du vignoble de Sainte-Pétronille pourront démontrer le potentiel d’un vigneron qui s’applique à bien comprendre les cartes qu’il a en main. Pour ma part, je me dois de découvrir de manière plus assidue les producteurs d’ici, qui s’efforcent de faire leur traces dans le chemin pas facile de la viticulture nordique, tout en souhaitant que les vignerons qui s’efforcent de respecter leur terroir obtiennent le succès qu’ils méritent.

Une fin de semaine en Virginie: Tastecamp 2012

An english version of this article is also available!

Conversation typique, avant de partir du bureau pour participer à Tastecamp.

– Tu pars pour Washington ce soir? Que penses-tu aller visiter?
– J’y vais pour Tastecamp. On va passer toute la fin de semaine à explorer le nord de la Virginie et à déguster le vin qui s’y fait!
– Euuuh… Il se fait du vin en Virginie?

Effectivement, il se fait du vin en Virginie et j’ai eu l’occasion de découvrir un portrait de cette région vinicole méconnue en compagnie d’une quarantaine de blogueurs provenant d’un peu partout des États-Unis et du Canada. Le but est de cette fin de semaine est de rassembler plusieurs journalistes et blogueurs dans une région en émergence et de faire rencontrer le plus de vignerons et de déguster le plus de vins possibles au cours d’une fin de semaine. Au final, une fin de semaine chargée, mais particulièrement plaisante!

Au niveau vinicole, la Virginie est la définition parfaite d’une région méconnue, pleine de potentiel mais qui manque de maturité. Méconnue, puisque peu de vins se retrouvent sur les étagères de la SAQ (il y en a seulement 2 au moment d’écrire ces lignes). Pleine de potentiel parce que les meilleurs vins goûtés au courant de la fin de semaine étaient renversants. En manque de maturité parce que j’ai eu l’impression que la région se cherchait et que plusieurs vignerons cherchent encore comment tirer le meilleur de leur terroir.

Les principaux cépages cultivées en Virginie sont les cépages bordelais rouges (cabernet sauvignon, merlot, cabernet franc, petit verdot) et, en blanc, le viognier. Signe que la région est plutôt jeune, les expériences sont nombreuses: malbec, petit manseng, nebbiolo, barbera, syrah… Comme toute expérience, les résultats obtenus sont plutôt hétérogènes.

Des belles réussites

Commençons tout d’abord par les meilleurs vins et les rencontres les plus passionnantes du weekend.

D’entrée de jeu, nous sommes reçus chez Boxwood, propriété d’anciens propriétaires des Redskins de Washington. Les moyens sont évidemment à la mesure des ambitions de la maison. Fort heureusement, l’immobilier n’est pas la seule raison d’aller visiter Boxwood.

Le groupe de Tastecamp, écoutant les explications d'Adam McTaggart, winemaker chez Boxwood
Le groupe de Tastecamp, écoutant les explications d'Adam McTaggart, winemaker chez Boxwood

Les vins montrent une vision et une direction commune. Les deux cuvées principales du domaine Boxwood et Topiary, on vise des assemblages bordelais classiques de haut niveau. Avec un consultant comme Stéphane Derenoncourt et un peu de bonne volonté, on obtient des résultats à l’avenant. Pour 25$ au domaine (39$ à la SAQ), il s’agit d’un achat avisé (ok, plus au domaine qu’à la SAQ). Le rosé ferait apparaître l’été dans à peu près n’importe quelle température et le Trelli’s, un assemblage qui varie d’année en année, au gré du millésime. Toutes des belles cuvées.

Kirsty Harmon, de Blenheim Vineyards
Kirsty Harmon, de Blenheim Vineyards
En 2010, l’été caniculaire a poussé la maturité des raisins à la limite et a souvent donné des vins à haute teneur en alcool, larges et souvent un peu lourds. C’est tout le contraire de ce qu’on a retrouvé chez Blenheim Vineyards, où Kirsty Harmon nous a servi un Cabernet Sauvignon 2010 à 13.5% d’alcool qui se vend 20$. Sa devise: “Always overdeliver”. Un gros coup de coeur pour ce domaine et cette souriante winemaker.

Le clou du weekend est sans contredit la visite de Linden Vineyards dimanche matin. Jim Law est un pionnier en Virginie et il donne l’exemple que tous les vignerons de la région devraient chercher à suivre. Ses vins sont précis, toujours en équilibre et représentent ce que l’état peut faire de mieux. Dès le début de la promenade dans le vignoble Hardscrabble, il était clair qu’il ne fallait pas manquer cette visite. Linden Vineyards fera définitivement l’objet d’un article indépendant, mais j’ai déjà hâte de partager le Hardscabble Chardonnay 2009 et le Hardscabble Red 2008 (un assemblage bordelais à dominance de cabernet sauvignon) que j’ai ramené. Aucune hésitation possible, c’était le meilleur vin du weekend.

Les campeurs dans les vignes de Linden
Les campeurs dans les vignes de Linden

Une région avec du potentiel, mais qui se cherche

La Virginie cherche à se faire un nom avec son viognier. Viginia Viognier, avouez que ça sonne plutôt bien. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un fan de ce cépage, que je trouve souvent caricatural et manquant d’acidité. Le version virginienne ne m’a pas particulièrement nécessairement réconcilié avec ce cépage. Toutefois, Barboursville Vineyards a choisi de servir un Viognier Reserve 2002 qui avait perdu son côté floral over-the-top pour faire place à plus de retenue et un côté levuré qui faisait penser à certains champagnes âgés (pour ceux qui avaient un peu d’expérience avec ce type de vin). J’ai bien aimé mon expérience, mais pas assez pour me lancer corps et âme dans le viognier, sauf peut-être le Château-Grillet que j’ai pu goûter lors du souper “Apportez votre vin”.

Lors du souper chez Breaux Vineyards (qui était par ailleurs excellent, on va se souvenir longtemps des pétoncles servies en apéro), nous avons goûté un viognier symptomatique de ce que je n’ai pas aimé de la région: l’omniprésence du bois neuf. Plusieurs vignerons se sont rendus coupables d’usage de barriques comme un ingrédient entrant dans la composition du vin, plutôt qu’un accent amené par l’élevage du vin… Lorsqu’un vin passe 18 mois en barriques neuves, on peut oublier la majorité de la complexité amenée par le fruit puisque ça sera tout masqué par les notes de vanille et de torréfaction apportées par le chêne. C’est bien dommage car souvent, on pouvait déceler que le vin aurait eu bien du potentiel n’eut été de cette épaisse couche de bois…

Finalement, l’autre aspect que j’ai remarqué est l’usage plutôt agressif d’herbicide sous les vignes. Dans la photo ci-dessous, on voit tout le ravage que peut faire le Roundup en contrastant le rang à l’avant-plan avec celui qui a été oublié juste derrière. Malgré ce que certains vous diront, je préfèrerais ne pas avoir ça dans mon vin…

De l'usage du Roundup. Tirez vos propres conclusions. (Cliquez sur l'image pour plus de détails)
De l'usage du Roundup. Tirez vos propres conclusions. (Cliquez sur l'image pour plus de détails)

Au final, j’ai aimé découvrir le potentiel de cette région qui est souvent méconnue à l’extérieur de ses frontières. Il faut que tous regardent vers les producteurs comme Linden et s’en inspirent pour mieux comprendre leur terroir et comment utiliser intelligemment les outils qui sont mis à leur disposition pour produire ce qu’une quarantaine de bloggeurs d’un peu partout sont venus tenter de trouver: du bon vin.

Dolcetto d’Alba Enzo Boglietti 2009

Un dolcetto moderne
Un dolcetto moderne

Vous êtes familiers avec le dolcetto, ce cépage piémontais? Sinon, prenez quelques minutes pour lire cet article d’Eric Asimov dans le New York Times en 2007 et celui-ci d’Evan Dawson sur Palate Press au début de l’année.

C’est fait?

Vous aurez donc un meilleur contexte sur ce que j’ai eu dans mon verre récemment. Lorsqu’on fait référence à un vin simple, un vin de pizza ou à un vin qui cherche à procurer le plaisir immédiat, on pourrait tout aussi bien mettre la photo de cette bouteille produite par Enzo Boglietti.

Comme explication du contexte, on pourrait aussi citer les notes de Marc-André Gagnon sur vinquebec.com, à propos des derniers millésimes:

  • 2007: Des arômes et des saveurs de fruits noirs. Ample en bouche. Une belle forme. Une longueur sur le fruit.
  • 2008: Celui-ci est rouge foncé avec des arômes de fruits des champs sur une note végétale. Une belle bouche assez ample. Une saveur fruitée, de la cerise. Acidité rafraîchissante. Tanins légers. Bel après-goût de fruit à noyau.
  • 2009: Très juteux. Une masse de fruits sur une belle acidité, en équilibre. Riche et consistant. De belles saveurs qui rappellent les figues. Très longue finale sur les fruits à noyau. Encore meilleur que le 2008

Le 2009 que j’ai eu m’a semblé tout à fait dans la veine moderne de la viticulture, avec un boisé un peu plus présent que dans les notes trouvées sur Vinquebec.com. Il faut savoir que je suis habituellement plutôt sensible à ce type de notes et que ce n’est pas ce qui m’attire dans un vin.

Heureusement, ce dolcetto possède du fruit à revendre et une acidité assez importante pour garder le tout en équilibre. Servi plus frais, la structure tannique et l’acide prennent un peu plus de place, ce qui est une bonne chose d’après moi.

Toutefois, comme plusieurs vins italiens, la vraie place de ce vin est à table. Il y sera alors très polyvalent, affichant la légèreté nécessaire pour être servi avec des pâtes, l’acidité nécessaire pour faire face à de la sauce tomate et pourra même faire face à des grillades. Je l’imagine bien cet été, où il viendra arroser un repas servi sur la terrasse.

Pour un peu moins de 21$, il en reste dans 56 succursales à travers la province au moment d’écrire ces lignes. Dans le même style, le dolcetto de Sottimano est aussi tout à fait recommendable.

Coups de coeur biodynamiques à la Renaissance des Appellations

La Renaissance des Appellations, ce regroupement de producteurs mené par Nicolas Joly tenait sa dégustation quadriennale à Montréal le 29 février dernier. Près de 60 producteurs étaient présents pour faire découvrir leur gamme de produits, produits selon la charte de qualité du groupe, qui vise à rendre l’esprit de l’appellation d’origine contrôlée: ce qui rend possible le goût d’un lieu particulier.

Nicolas Joly
Nicolas Joly et ses vins de la Coulée de Serrant

Comme le mentionnait Nicolas Joly (à droite) lors de sa conférence, une appellation d’origine contrôlée, c’est un climat et un sol. Comme corollaire, tout ce qui peut empêcher ce climat et ce sol de s’exprimer doivent donc être évités: engrais chimiques, désherbants, levures sélectionnées, osmose inverse, etc. Il est intéressant de notre que le groupe n’interdise pas l’utilisation du soufre mais le voit plutôt comme un mal nécessaire lorsque vient le temps d’expédier des vins à 5000 km de leur lieu d’origine. Certains vignerons choisissent de ne pas l’utiliser, mais il s’agit d’un choix personnel et non dicté par la Renaissance des Appellations.

Lors du salon, je n’ai pas goûté de vinaigre glorifié fait par des hippies, n’en déplaise à Michel Chapoutier. De manière générale, j’ai goûté de bien bons vins, quelques très bons et certains sont vraiment venus me chercher. Attardons-nous ici sur ces coups de coeur…!

Je l’affirme d’entrée de jeu, j’adore les vins de Stéphane Tissot. Que ce soit sont chardonnay Les Bruyères, son vin jaune ou le pinot noir En Barberon, tous les produits que j’ai eu l’occasion de goûter m’ont particulièrement plu. De la gamme dégustée dans le cadre de ce salon, j’en retiens le chardonnay La Mailloche qui sait allier puissance et pureté. L’équilibre et la longueur sont impressionnants et il était d’après moi meilleur que La Tour de Curon qui le suivait (et qui était vendu le triple du prix). Pour 39,50$, il s’agit d’un achat particulièrement avisé, disponible en importation privée en caisses de 12 chez Alain Bélanger.

Les vins de Stéphane Tissot
Les vins de Stéphane Tissot

Stéphane Tissot a aussi pris le pari que l’effet de terroir puisse s’exprimer aussi dans le vin jaune, malgré le vieillissement de plus de 6 ans sous voile. Le vin jaune “En Spois” 2004 est une belle introduction à ce vin si particulier, avec un fruit étonnamment présent et accessible. Servi à la suite, le vin jaune “Les Bruyères” 2004 est quant à lui plus rustique et plus tourbé, comme on pourrait s’attendre d’un vin jaune plus puissant. On en conclut que le pari initial est réussi. J’ai bien hâte de voir cette logique poussée plus loin dans les millésimes subséquents. Si vous avez manqué le passage de Stéphane Tissot, vous pourrez vous reprendre au mois d’avril prochain alors qu’il sera en tournée à Québec et Montréal avec d’autres vignerons jurassiens.

Ce salon fut aussi ma première expérience avec les vins de la Coulée de Serrant, domaine de Nicolas Joly et de sa fille Virginie. Terroir d’exception, la Coulée de Serrant est plantée en vigne depuis 1130 et 2012 marque la 882e vendange consécutive. Les vins qui y sont produits sont uniques, tant au niveau du terroir que de l’approche vinicole. Ainsi, le millésime 2006 des Vieux Clos compte 15% de raisins botrytisés alors que le millésime 2009 n’en compte que 5%. Pour Nicolas Joly, il s’agit de prendre ce que la nature donne cette année et de tâcher d’en faire le meilleur vin possible. Une petite pointe oxydative, une couleur dorée intense et une superbe minéralité sont les points communs entre les différentes cuvées. La Coulée de Serrant 2009 est en soi une expérience de dégustation. C’est le millésime 2006 qui est présentement en vente à la SAQ Signature, pour la modeste somme de 113$. Est-ce que ça en vaut la peine? J’oserais affirmer que oui.

Mon autre coup de coeur va à Olivier Cousin, vigneron en Anjou qui a fait parler de lui récemment à cause des ses démêlés avec le service de la répression des fraudes, pour son utilisation du mot “Anjou”. Nonobstant s’il s’agit de vin d’Anjou ou de “vin de table en Anjou”, les quatre cuvées dégustées étaient de haut niveau. Le Grolleau Vieilles Vignes et le vin de table Yamag (serait-ce du gamay…? ;)) sont des vins qu’on boirait tous les jours sans aucun regret. Les deux cuvées de cabernet franc, Pur Breton et Vieilles Vignes, sont quant à elles beaucoup plus sérieuses et profondes. Des vins de très haut niveau. Les vins d’Olivier Cousin sont importés au Québec par les Importations du Moine, liées au superbe restaurant Le Moine Échanson, à Québec. Heureusement, on retrouve régulièrement de ces vins dans la section vins à emporter du restaurant, ce qui permet de découvrir ces superbes vins sans devoir commander une caisse complète comme dans le cas des importations privées classiques.

Je m’en voudrais aussi de ne pas mentionner les grands Bourgognes du Domaine Trapet (Chapelle-Chambertin hallucinant, mais à 200$), Champagne Fleury Brut 1995 (le millésime 1996 est présentement en succursales) et les Croze-Hermitage du Domaine les Bruyères.

Au final, il s’agit d’un très beau salon organisé par le Raspipav. Quatre ans, c’est long avant la prochaine édition…!