Nouvelle-Écosse: Marée montante

C’est une heure au nord-ouest d’Halifax qu’on retrouve la région viticole la plus à l’est de l’Amérique du Nord, la vallée de l’Annapolis. Ce petit coin de la Nouvelle-Écosse émerge sur la scène viticole mondiale depuis quelques années avec des vins blancs et des mousseux de grande qualité.

À marée haute, les vignes ont presque les pieds dans l’eau

Aujourd’hui, une vingtaine de producteurs se concentrent autour de Wolfville, là où la baie de Fundy devient le bassin de Minas. On est ici tout juste à la limite de la zone de maturation des vitis vinifera, les eaux de la baie venant tempérer le climat et allonger un peu la saison, permettant aux vignes de survivre en hiver et de repousser les épisodes de gel tout juste assez pour permettre aux raisins d’arriver à maturité.

Comptant aujourd’hui une vingtaine de producteurs, la région propose une offre particulièrement cohérente, organisée autour des mousseux et des vins blancs produits à partir d’assemblages de vitis vinifera et de cépages hybrides. On y retrouve bien quelques rouges, mais ce n’est pas avec quoi la région cherche à se démarquer.

L’appellation Tidal Bay a ainsi été mise sur pied en 2012 et une douzaine de domaines produisent maintenant un vin dans cette appellation. Ils mettent de l’avant l’acidité et la minéralité qui caractérisent la région, de même qu’un profil aromatique qui va de pair avec les fruits de mer, un choix logique pour un vin d’un climat maritime comme celui de la Nouvelle-Écosse. N’attendez pas un vin totalement sec, par contre, ils possèdent un peu de sucre résiduel qui vient arrondir un peu les angles.

Quelques producteurs à ne pas manquer

Benjamin Bridge est un des domaines qui a propulsé les bulles néo-écossaises sur la scène mondiale. Plantées à partir de 2001, dans la vallée de Gaspareau, légèrement plus chaude au printemps que les vignobles plantés directement à côté de la baie. À la tête de l’équipe, le Québécois Jean-Benoît Deslauriers s’est attiré des compliments d’un peu partout sur la planète, et pour cause.

Il s’agit du seul producteur néo-écossais dont les vins se retrouvent sur les tablettes de la SAQ. Pour une introduction au style de la maison, tentez de mettre la main sur le Brut 2009 ou 2011 ou optez pour la cuvée Réserve 2010 pour le passer en pirate dans une dégustation de champagnes.

En plus de ces cuvées qui font l’orgueil de la maison, près de la moitié de la production est composée du Nova 7; cet assemblage à base de Muscat de New York, Vidal, Ortega et L’Acadie composant 11000 des 22000 caisses produites par le domaine. Légèrement pétillant, peu alcoolisé, très aromatique et avec un taux de sucre important, un peu à la manière d’un moscato d’Asti. Les amateurs de Nivole y trouveront chaussure à leur pied et les autres y prendront goût par une chaude journée l’été prochain.

Chez Lightfoot & Wolfville, on n’a pas lésiné sur les moyens pour accueillir les gens en grand, avec une magnifique salle de dégustation et boutique, donnant sur les vignes et des espaces pour accueillir des événements. La qualité de l’accueil rivalise avec la qualité et l’attention protée aux vins, produits en agriculture biodynamique.

On a pu goûter à des vins pleins de vie, typiquement néo-écossais et vachement bien faits. La production étant encore assez limitée, le meilleur moyen de mettre la main sur ces cuvées est de ce rendre sur place (ou de dire mille mercis à un ami qui va vous ramener une bouteille…!

Chez Blomidon Estate Winery, le sympathique terrenevois d’origine Simon Rafuse a aussi fait des vins mousseux sa priorité. C’est chez eux que se retrouvent parmi les plus vieillies vignes de chardonnay, plantées au début des années 1980. Témoin de la force et de l’influence des marées, à marée haute, les vignes ont presque les pieds dans l’eau alors que celle-ci se retrouve à près de 100 mètres au large à marée basse! La cuvée tirée des vignes de l’Acadie est aussi particulièrement recommendable.

De ce côté de la baie, par rapport à la vallée de Gaspareau ou des environs de Wolfville, le printemps est un peu plus tardif, mais la saison se prolong en automne. “Un avantage” selon Simon Rafuse, “ça nous permet d’avoir des raisins qui mûrissent sans peu du gel sur une base plus régulière. J’échange volontiers une semaine au printemps contre deux à l’automne!”.

Pour s’y rendre

On doit compter une dizaines d’heure de route depuis Québec pour se rendre jusqu’à Wolfville. Selon le degré d’empressement, on pourra choisir de couper la route en deux et de coucher à St-Jean au Nouveau-Brunswick puis de prendre le traversier le lendemain matin. Sur place, planifier quelques jours pour faire le tour sans se prendre la tête, possiblement en combinant avec un saut de puce à Halifax, situé à une heure de route.

Boire catalan

Les images nous provenant de Barcelone et des villes environnantes depuis dimanche dernier ne laissent personne indifférent. Dans ce contexte, je vais m’assurer de mettre les vins catalans tout au haut de ma liste d’achats.

La Plage!
La Plage!

Mestres Cava 1312

La maison Mestres sait comment faire du Cava, c’est de chez eux que vient le terme même Cava, créé en 1928, bien que le domaine cultive des raisins depuis le 14e siècle. La cuvée 1312, dont le nom reprend la date de fondation du domaine, a remporté le prix du meilleur mousseux à moins de 25$ du 6e Jugement de Montréal l’an dernier. Paralleda, Macabeu et Xarel-lo s’y allient pour produire un mousseux aux bulles fines, à la bouche qui conjugue la richesse d’un élevage de 18 mois en bouteilles – le double de l’élevage minimal préconisé par l’appellation – et une fraîcheur exemplaire. Difficile de trouver un meilleur mousseux pour les 20$ demandés.

Mestres Cava 1312 – 13232581 – 20,55$ – Agent au Québec: Symbiose

Cava Mestres 1312 (Photo: SAQ.com)
Cava Mestres 1312 (Photo: SAQ.com)

Albet i Noya Xarel-Lo El Fanio 2016

Le Xarel-lo, en plus d’entrer dans l’élaboration des cavas, donne aussi de (très) bons vins tranquilles pour qui sait s’y attarder. Un nez à la fois floral et fruité, tout en équilibre et en délicatesse. En bouche, on a une bonne ampleur et une longueur qui impressionne. Si vous avez suivi la classification de Bill Zacharkiw dans The Gazette, il s’agit d’un vin qui entre clairement dans la catégorie des vins de texture.

Albet i Noya Xarel-Lo El Fanio 2016 – 12674221 – 21,60$ – Agent au Québec: Vintrinsec

Albet i Noya Xarel-Lo El Fanio 2016 (Photo: SAQ.com)
Albet i Noya Xarel-Lo El Fanio 2016 (Photo: SAQ.com)

J’avais particulièrement aussi aimé les vins blancs du Priorat, avant et pendant mon voyage sur place en mai dernier. Surveillez le retour du Barranc dels Clossos de Mas Igneus sur les tablettes.

Parès Balta Mas Elena 2013

Du côté des rouges, je me tournerai sans hésitation du côté de Parès balta, qu’on connaît principalement pour ses bulles. Le domaine élabore aussi un assemblage bordelais composé de Merlot (50%) cabernet sauvignon et cabernet franc: le Mas Elena. Comme tous les vins du domaine, celui-ci est certifié biologique. Un vin qui mise sur le charme du merlot, avec tout juste ce qu’il faut de barrique pour lui apporter structure et complexité, tout just sous la barre des 20$.

Parès Balta Penedès Mas Elena 2013 – 10985763 – 19,85$ – Agent au Québec: Trialto 

Parès Balta Mas Elena (Photo: SAQ.com)
Parès Balta Mas Elena (Photo: SAQ.com)

Mas Martinet Cami Pesseroles 2012

Pour me gâter sans compter, c’est vers le Priorat que je me tournerais, en tentant de privilégier les vins issus de vignobles ancestraux, avec des vieilles vignes et une part importante de carignan. Le Cami Pesseroles de Mas Martinet fait partie de cette catégorie. Il s’agit d’un vignoble situé sur un ancien chemin reliant Gratallops et Porrera, deux villages en plein coeur de l’appellation. Le vin qui y est tiré par Sara Perez est à l’image de celle qui le fait, direct, sans compromis et transparent. Ce sont les fruits noirs qui dominent, les tanins prennent de la place mais le tout est gardé en équilibre par l’acidité naturelle qu’amène le terroir du Priorat.

Mas Martinet Cami Pesseroles 2012 – 12782097 – 88,00$ – Agent au Québec: Les vins Aldi

Vieille vigne de Carignan sur llicorella
Vieille vigne de Carignan sur llicorella

Un vin mythique

Lorsqu’on parle de vin mythiques, on a immédiatement en tête (avec raison), les grands crus de ce monde: Pétrus, Romanée-Conti, Opus One, Cheval Blanc, etc. Ces vins ont atteint le statut de mythe grâce à plusieurs années de faire le meilleur vin sur la planète. La culture populaire peut aussi faire passer un vin dans la catégorie des vins mythiques, pour des raisons évidemment complètement différentes.

C’est ainsi que lors de vacances récentes en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, j’ai eu l’occasion de mettre la main sur un de ces vins: le mythique Baby Duck – en magnum, s’il-vous-plaît! Il a été parmi les vins les plus populaires au Québec dans les années 1960 et 1970, mais n’est plus commercialisé par la SAQ depuis un bon moment. Je ne pouvais pas me permettre de passer à côté de la “chance” de goûter à cette bouteille.

N’écoutant que mon courage, j’ai servi cette bouteille à l’aveugle à l’apéro lors d’une dégustation organisée avec les collègues. On verse dans les verres et une mousse intense se forme par-dessus le vin, ne laissant présager rien de bon.

Baby DuckBaby Duck

Au nez, si vous ave une de l’expérience avec le jus de raisin Welch’s, vous ne serez pas dépaysé. C’est un nez malheureusement très intense et il est difficile de passer par-dessus. En bouche, ce sont principalement les 50 grammes par litre de sucre résiduel qui prennent toute la place. Les bulles pétillent comme une boisson gazeuse et tapissent la bouche. La sensation désagréable persiste encore beaucoup trop longtemps. Sur le bord de la piscine, l’été quand il fait (très) chaud, pour prendre avantage du fait que le vin ne titre que 7% d’alcool? Peut-être, mais on peut trouver des meilleures options en quelques secondes…

Bref, j’ai encore des amis au bureau, mais ils seront plus prudents à l’avenir lorsque je leur servirai un vin à l’aveugle. Ceci dit, je suis bien content d’avoir goûté à ce vin mythique, mais je n’ai pas l’intention d’essayer de récidiver bientôt. Si vous voulez faire l’expérience par vous-mêmes, ce vin est encore commercialisé en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

La fin du magnum...
La fin du magnum…

 

Domaine du Nival – Cuvée expérimentale Pinot Noir 2014

Il y a de ces vins qui viennent vous chercher, qui vous transportent et pour lesquelles les descriptions ne sont pas adéquates. J’ai eu le privilège de mettre la main sur une bouteille de la Cuvée expérimentale de pinot noir du Domaine du Nival et je le classe sans hésitation dans cette catégorie.

En se rendant au domaine, on quitte l’autoroute 20 vers St-Louis-de-Yamaska et on traverse une plaine parsemée de fermes laitières. Au détour d’un chemin, on découvre un des rares coteaux de la région, qui surplombe la rivière Yamaska et la vigne apparaît. Le domaine du Nival est une destination, on n’y passe pas par hasard.

C’est là que le duo père-fil de Denis et Matthieu Beauchemin ont décidé de planter en 2012 des vignes de Vidal, Pinot Noir, Gamaret (un cépage d’origine suisse) et quelques curiosités québécoises comme de l’Albariño, de la Petite Arvine et du Gamay. Agriculture et vinification en biodynamie, travail au champ “à bras”, attention au détail.

Dans le coteau, le pinot noir et la gamaret. En contre-bas, non loin de la rivière, le vidal. Cachée derrière une petite rangée d’arbre, dans une pente bien abrupte, l’albariño (et un des coups d’oeil les plus spectaculaires). En haut, près du chai, la petite parcelle expérimentale…

Le domaine du Nival à l'automne (Source: http://nival.ca)
Le domaine du Nival à l’automne. À gauche, le pinot et le gamaret. Au fond, l’albariño et devant, le vidal. (Source: http://nival.ca)

Au cours des dernières années, le domaine a eu particulièrement bonne presse et leurs cuvées s’envolent comme des petits pains chauds. Celle-ci, malgré le fait que les vignes ne soient âgées que de deux ans, le fruit est éclatant, malgré des signes d’évolution bien marqués. J’ai donc dans mon verre un beau pinot noir à son apogée, vivant et vibrant.

Le but ici n’est pas de vous écoeurer avec une bouteille qui n’est pas en vente, mais plutôt de partager mon enthousiasme et mon émotion devant ce qui est, à mon sens, parmi les meilleurs vins produits au Québec.

Le domaine va mettre en vente dans les prochains jours ses cuvées 2016 des Entêtés, un assemblage de pinot noir et de gamaret et de Matière à Discussion, un vidal élevé en fûts. Même si le millésime 2016 a été difficile chez eux à cause d’une violente attaque de cicadelles, limitant la photosynthèse (et le taux de sucre des raisins) en fin de saison, le vin que j’ai goûté au domaine lors de mon passage en juillet est terriblement délicieux.

Si j’étais vous, je ne niaiserais pas.

Du Priorat, hors des rouges

Dans les collines du Priorat, il faut se forcer pour trouver autre chose que du vin rouge. On y vantera volontiers les mérites des vins à base de grenache et carignan élevés sur les sols de llicorella, le reste ayant souvent l’air d’une arrière pensée…. “Ah oui, on fait un peu de blanc aussi! Seriez-vous intéressés à y goûter?” m’a-t’on demandé à plus d’une reprise lors d’Espai Priorat à la fin mai. Pourtant, les blancs du Priorat est parmi ce qui m’a le plus enthousiasmé lors de mon séjour dans la région.

C’est un peu moins de 6% de la superficie totale du vignoble du Priorat qui est planté en cépage blancs. On y retrouve principalement du grenache blanc et du maccabeu, parfois accompagné de Pedro Ximénez. Provenant du champ gauche, on a quelques gens qui cultives du picapoll (oui oui, le cépage connu sous le nom de piquepoul dans le sud de la France) et un peu de chardonnay, qui n’y fait pas très bien.

Au niveau du profil, ils reflètent bien les coteaux ensoleillés d’où ils sont issus. On pourrait les comparer aux blancs du Roussillon, tout juste de l’autre côté des Pyrénées: avec un intense fruité et une présence en bouche large. Ce ne sont pas des vins blancs qui sont construits autour de l’acidité comme on retrouve dans des contrées plus nordiques. Toutefois, la llicorella qui forme la base géologique de la région permet de garder le tout avec une bonne acidité, malgré la chaleur ambiante.

On n’en retrouve que 4 Priorat blancs sur les rayons de la SAQ, dans le meilleur des cas les vins ci-dessus sont disponibles en importation privée. Si vous trouvez un exemplaire du Barranc dels Clossos de Mas Igneus dans une succursale près de chez vous (ils se font rares!), n’hésitez pas, il s’agit d’une belle introduction aux blancs de la région. Le Onix Classic de Vinicola del Priorat m’avait semblé quelque peu générique lorsque dégusté là-bas… Il ne s’agit pas d’un mauvais vin, mais il n’est pas aussi excitant que celui de Mas Igneus. Quant au Nelin de Clos Mogador, il s’agit d’un vin hors normes, composé de près d’une dizaine de cépages, avec un peu de macération pelliculaire, etc. Un très beau vin, mais pas nécessairement représentatif de ce qui se fait dans la région.

Pour ce qui est de mes autres découvertes, le Vi Ranci – un vin oxydatif habituellement à base de grenache, un peu comme les banyuls, et les Vermuts locaux, il faudra se rendre sur place, puisque ceux-ci ne sont à peu près pas exportés. On y est très collé à la notion de terroir, de savoir faire des Hommes qui font ce qu’ils peuvent avec ce que la nature leur offre.

Déguster dans un abbaye millénaire: check.
Déguster dans un abbaye millénaire: check.

Si c’est ce que ça vous prend pour aller visiter le Priorat, sautez dans un avion à destination de Barcelone plus tôt que tard, la région vous le rendra bien.