Danny St-Pierre au travail!

Une virée chez Auguste

Faire six heures d’auto pour aller souper au resto, est-ce raisonnable? En tout cas, si la destination est le restaurant Auguste à Sherbrooke pour aller rencontrer le chef Danny St-Pierre, la périple est certainement justifiable. Ainsi, pour l’anniversaire de ma douce, on file en direction des Cantons de l’Est pour un weekend des plus gastronomiques.

Danny St-Pierre au travail!
Danny St-Pierre au travail!

Assis à notre place au bar, la vue sur la cuisine ouverte est imprenable et on est propulsé immédiatement au coeur de l’action. Lors de notre passage, il manquait un employé en cuisine, ce qui a causé quelques périodes de frénésie plus intenses lors de la sortie de tables plus volumineuses. D’un point de vue de spectateur, c’est un ballet particulièrement agréable à observer, qui nous confirme que faire rouler une cuisine de restaurant nécessite une bonne dose de sang froid…!

Avant tout, la cuisine ouverte et le bar tout proche permet aux chefs d’exprimer tout leur côté social, en jasant et plaisantant avec les convives. Tout au long de la soirée, on peut constater que Danny St-Pierre est non seulement un passionné de bouffe, mais aussi un passionné de rencontres. Il prend soin de son monde, s’assure que tout se passe bien et que tout le monde est à l’aise et passe une belle soirée.

Côté cuisine, le menu Auguste, pour lequel nous avons opté se présente sous une forme classique du bistrot: entrée, plat, dessert. La Tablée, c’est l’orgie culinaire: présentés au centre de la table, les plats forment un buffet convivial de 4 services. Une formule couche-tard de deux services est disponible après 21h, pour le bas prix de 20$ (une aubaine!).

En apéro, une des spécialités de la maison est la poutine inversée: une savant remise en forme de notre plat national. Ces petites boules de frites et de fromages renferment de la sauce brune. Ludique, créatif, savoureux.

De la poutine à l'envers
De la poutine à l'envers

Dans mon assiette: un pavé de foie de veau parfaitement rosé, des haricots tout juste craquants mais surtout des pommes de terre grelots au bacon. Étant tout près de la cuisine, c’est le parfum des patates qui m’a fait définitivement pencher vers ce plat. Le boudin choisi par Geneviève était bien croûté et tout à fait savoureux. Celui du Pied Bleu à Québec vient de se trouver un concurrent sérieux. Ce ne sont pas nécessairement des plats complexes, mais ils sont parfaitement exécutés et la satisfaction du travail bien fait est évidente.

Au niveau de la carte des vins, on y retrouve à 80% des importations privées, majoritairement européennes. Les vins y sont parfois natures, parfois bio ou biodynamiques mais visiblement toujours choisi avec soin. Notre choix s’est arrêté vers un carafon (500 ml) de Frappato de Centonze, qui s’est très bien marié avec nos choix. Ce vin ne voit pas de bois lors de son élevage, ce qui permet de préserver tout l’éclat du fruit que le frappato a à offrir. Le domaine est représenté au Québec par réZin, qui propose toujours des produits de très haut niveau.

Le lendemain matin, on retourne sur la rue Wellington pour un festin cabane à sucre, au profit de la Tablée des Chefs. Avant le repas, le chef est venu nous mettre en garde: “Ça va être violent!”. Violent, oui, mais délicieux surtout! Ainsi, c’est avec la porchetta (fondante, avec la peau croustillante à souhait), les saucisses chômeur (!!) et la slush aux pommes dans un verre en guise de tire sur la neige que nous retournons vers Québec, le ventre bien rempli et le coeur léger grâce à tout l’équipe du Auguste.

Du bonheur en forme de saucisse chômeur
Du bonheur en forme de saucisse chômeur

Il reste deux jours pour profiter de la cabane à sucre Auguste, le 25 mars et le 1er avril. Si vous passez par Sherbrooke, c’est un must. Si vous n’êtes pas à Sherbrooke, ça vaut la peine de faire un peu de route pour s’y rendre! Les participants du Foodcamp à Québec auront la chance de côtoyer le chef lors d’un atelier le 28 avril prochain. Pour ma part, tous les prétextes seront bons pour passer par Sherbrooke et retourner s’asseoir au bar, siroter un verre et se gaver de pommes de terre au bacon…!

Dolcetto d’Alba Enzo Boglietti 2009

Un dolcetto moderne
Un dolcetto moderne

Vous êtes familiers avec le dolcetto, ce cépage piémontais? Sinon, prenez quelques minutes pour lire cet article d’Eric Asimov dans le New York Times en 2007 et celui-ci d’Evan Dawson sur Palate Press au début de l’année.

C’est fait?

Vous aurez donc un meilleur contexte sur ce que j’ai eu dans mon verre récemment. Lorsqu’on fait référence à un vin simple, un vin de pizza ou à un vin qui cherche à procurer le plaisir immédiat, on pourrait tout aussi bien mettre la photo de cette bouteille produite par Enzo Boglietti.

Comme explication du contexte, on pourrait aussi citer les notes de Marc-André Gagnon sur vinquebec.com, à propos des derniers millésimes:

  • 2007: Des arômes et des saveurs de fruits noirs. Ample en bouche. Une belle forme. Une longueur sur le fruit.
  • 2008: Celui-ci est rouge foncé avec des arômes de fruits des champs sur une note végétale. Une belle bouche assez ample. Une saveur fruitée, de la cerise. Acidité rafraîchissante. Tanins légers. Bel après-goût de fruit à noyau.
  • 2009: Très juteux. Une masse de fruits sur une belle acidité, en équilibre. Riche et consistant. De belles saveurs qui rappellent les figues. Très longue finale sur les fruits à noyau. Encore meilleur que le 2008

Le 2009 que j’ai eu m’a semblé tout à fait dans la veine moderne de la viticulture, avec un boisé un peu plus présent que dans les notes trouvées sur Vinquebec.com. Il faut savoir que je suis habituellement plutôt sensible à ce type de notes et que ce n’est pas ce qui m’attire dans un vin.

Heureusement, ce dolcetto possède du fruit à revendre et une acidité assez importante pour garder le tout en équilibre. Servi plus frais, la structure tannique et l’acide prennent un peu plus de place, ce qui est une bonne chose d’après moi.

Toutefois, comme plusieurs vins italiens, la vraie place de ce vin est à table. Il y sera alors très polyvalent, affichant la légèreté nécessaire pour être servi avec des pâtes, l’acidité nécessaire pour faire face à de la sauce tomate et pourra même faire face à des grillades. Je l’imagine bien cet été, où il viendra arroser un repas servi sur la terrasse.

Pour un peu moins de 21$, il en reste dans 56 succursales à travers la province au moment d’écrire ces lignes. Dans le même style, le dolcetto de Sottimano est aussi tout à fait recommendable.

Coups de coeur biodynamiques à la Renaissance des Appellations

La Renaissance des Appellations, ce regroupement de producteurs mené par Nicolas Joly tenait sa dégustation quadriennale à Montréal le 29 février dernier. Près de 60 producteurs étaient présents pour faire découvrir leur gamme de produits, produits selon la charte de qualité du groupe, qui vise à rendre l’esprit de l’appellation d’origine contrôlée: ce qui rend possible le goût d’un lieu particulier.

Nicolas Joly
Nicolas Joly et ses vins de la Coulée de Serrant

Comme le mentionnait Nicolas Joly (à droite) lors de sa conférence, une appellation d’origine contrôlée, c’est un climat et un sol. Comme corollaire, tout ce qui peut empêcher ce climat et ce sol de s’exprimer doivent donc être évités: engrais chimiques, désherbants, levures sélectionnées, osmose inverse, etc. Il est intéressant de notre que le groupe n’interdise pas l’utilisation du soufre mais le voit plutôt comme un mal nécessaire lorsque vient le temps d’expédier des vins à 5000 km de leur lieu d’origine. Certains vignerons choisissent de ne pas l’utiliser, mais il s’agit d’un choix personnel et non dicté par la Renaissance des Appellations.

Lors du salon, je n’ai pas goûté de vinaigre glorifié fait par des hippies, n’en déplaise à Michel Chapoutier. De manière générale, j’ai goûté de bien bons vins, quelques très bons et certains sont vraiment venus me chercher. Attardons-nous ici sur ces coups de coeur…!

Je l’affirme d’entrée de jeu, j’adore les vins de Stéphane Tissot. Que ce soit sont chardonnay Les Bruyères, son vin jaune ou le pinot noir En Barberon, tous les produits que j’ai eu l’occasion de goûter m’ont particulièrement plu. De la gamme dégustée dans le cadre de ce salon, j’en retiens le chardonnay La Mailloche qui sait allier puissance et pureté. L’équilibre et la longueur sont impressionnants et il était d’après moi meilleur que La Tour de Curon qui le suivait (et qui était vendu le triple du prix). Pour 39,50$, il s’agit d’un achat particulièrement avisé, disponible en importation privée en caisses de 12 chez Alain Bélanger.

Les vins de Stéphane Tissot
Les vins de Stéphane Tissot

Stéphane Tissot a aussi pris le pari que l’effet de terroir puisse s’exprimer aussi dans le vin jaune, malgré le vieillissement de plus de 6 ans sous voile. Le vin jaune “En Spois” 2004 est une belle introduction à ce vin si particulier, avec un fruit étonnamment présent et accessible. Servi à la suite, le vin jaune “Les Bruyères” 2004 est quant à lui plus rustique et plus tourbé, comme on pourrait s’attendre d’un vin jaune plus puissant. On en conclut que le pari initial est réussi. J’ai bien hâte de voir cette logique poussée plus loin dans les millésimes subséquents. Si vous avez manqué le passage de Stéphane Tissot, vous pourrez vous reprendre au mois d’avril prochain alors qu’il sera en tournée à Québec et Montréal avec d’autres vignerons jurassiens.

Ce salon fut aussi ma première expérience avec les vins de la Coulée de Serrant, domaine de Nicolas Joly et de sa fille Virginie. Terroir d’exception, la Coulée de Serrant est plantée en vigne depuis 1130 et 2012 marque la 882e vendange consécutive. Les vins qui y sont produits sont uniques, tant au niveau du terroir que de l’approche vinicole. Ainsi, le millésime 2006 des Vieux Clos compte 15% de raisins botrytisés alors que le millésime 2009 n’en compte que 5%. Pour Nicolas Joly, il s’agit de prendre ce que la nature donne cette année et de tâcher d’en faire le meilleur vin possible. Une petite pointe oxydative, une couleur dorée intense et une superbe minéralité sont les points communs entre les différentes cuvées. La Coulée de Serrant 2009 est en soi une expérience de dégustation. C’est le millésime 2006 qui est présentement en vente à la SAQ Signature, pour la modeste somme de 113$. Est-ce que ça en vaut la peine? J’oserais affirmer que oui.

Mon autre coup de coeur va à Olivier Cousin, vigneron en Anjou qui a fait parler de lui récemment à cause des ses démêlés avec le service de la répression des fraudes, pour son utilisation du mot “Anjou”. Nonobstant s’il s’agit de vin d’Anjou ou de “vin de table en Anjou”, les quatre cuvées dégustées étaient de haut niveau. Le Grolleau Vieilles Vignes et le vin de table Yamag (serait-ce du gamay…? ;)) sont des vins qu’on boirait tous les jours sans aucun regret. Les deux cuvées de cabernet franc, Pur Breton et Vieilles Vignes, sont quant à elles beaucoup plus sérieuses et profondes. Des vins de très haut niveau. Les vins d’Olivier Cousin sont importés au Québec par les Importations du Moine, liées au superbe restaurant Le Moine Échanson, à Québec. Heureusement, on retrouve régulièrement de ces vins dans la section vins à emporter du restaurant, ce qui permet de découvrir ces superbes vins sans devoir commander une caisse complète comme dans le cas des importations privées classiques.

Je m’en voudrais aussi de ne pas mentionner les grands Bourgognes du Domaine Trapet (Chapelle-Chambertin hallucinant, mais à 200$), Champagne Fleury Brut 1995 (le millésime 1996 est présentement en succursales) et les Croze-Hermitage du Domaine les Bruyères.

Au final, il s’agit d’un très beau salon organisé par le Raspipav. Quatre ans, c’est long avant la prochaine édition…!

Les Prix du Public Desjardins 2012

Le 24 février dernier, j’ai eu l’opportunité de participer aux Prix du Public Desjardins 2012, grâce à l’invitation du magazine Exquis, avec quelques autres bloggeurs de la ville de Québec. Ce concours vinicole cherche à combler un besoin bien présent dans le monde du vin: un concours dans lequel les récompenses données refléteront l’opinion des consommateurs.

Ainsi, 350 dégustateurs amateurs ont été réunis dans la salle de bal du Château Frontenac afin d’évaluer à l’aveugle 8 vins. Afin de nous aider dans notre tâche de juré, chaque table était guidée par un président de table qui oeuvre dans le domaine: sommelier, conseiller à la SAQ, amateur passionné. Au service, des étudiants en hôtellerie du Cégep de Limoilou sous la direction du sommelier Kler-Yann Bouteiller, nous ont permis de vivre une vraie expérience de dégustation à l’aveugle dans des conditions à peu près idéales.

Les serveurs recevant les instructions. Photo: Magazine Exquis
Les serveurs recevant les instructions. Photo: Magazine Exquis

Pour ce qui est des vins dégustés, notre table a eu à évaluer deux cidres pétillants du Québec, 6 vins rouges espagnols et un vin aromatisé du Québec. Encore aujourd’hui, je ne sais pas du tout ce que j’ai pu goûter. Des deux cidres, un était correct, l’autre était franchement mauvais. Les Espagnols? Pas aussi boisé que j’aurais pu l’anticiper. Au final, je leur ai décerné décerné deux médailles d’argent (entre 84 et 89 points) et deux médailles d’or (entre 90 et 94 points). L’avant dernier vin de la vague était particulièrement bien, avec une bonne structure et un équilibre qui l’a amené une peu au-dessus des autres. Le vin aromatisé, probablement à la poire était bien agréable, servi en tant que dessert. Il conservait une belle fraîcheur malgré le sucre. J’en achèterai peut-être, si je finis par savoir ce que c’est…!

L’exercice met en lumière la subjectivité de ce qu’est la dégustation d’un vin. Il est arrivé à plusieurs reprises qu’un vin ne fasse pas l’unanimité et que les notes diffèrent significativement. Certains pourraient y voir un manque d’expérience dans ce type de concours. Je préfère expliquer cette différence par le fait que tous dégustent différemment et que malgré les critères qui nous étaient imposés par la feuille d’évaluation, l’appréciation d’un vin va varier énormément selon le palais du dégustateur.

Le Prix du Public Desjardins 2012
Une feuille de pointage - Cliquez pour voir plus en détail

Les lauréats du Prix du Public 2012 seront dévoilés le 24 mars, lors d’un événement au Château Frontenac. J’ai hâte de découvrir quels produits ont été primés et tenter de savoir lesquels nous ont été servis!

Note: J’ai participé à cet évènement à l’invitation du magazine Exquis, mais ces propos sont formulés à titre tout à fait personnel et indépendant.

Une mondeuse sauvage

À moins d’être féru de cépages exotiques, il est fort probable que la mondeuse vous soit inconnue. Il s’agit d’un cépage ancien cultivé en Savoie et dans le Bugey, tout près au nord, qu’on retrouve aussi sous le nom de Refosco dans le nord de l’Italie. On retrouve aussi des quantités confidentielles ailleurs sur la planète (Californie, Argentine, Australie), mais de la mondeuse venant de ces contrées lointaines est vraiment anecdotique.

Toutefois, avant la crise du phylloxéra au 19e siècle, ce cépage était le plus cultivé dans la région. Il est presque disparu de l’est de la France sous l’action de ce puceron, mais commence à renaître sous les mains expertes des vignerons locaux qui s’y mettent sérieusement.

Mondeuse de Savoie
Mondeuse de Savoie

Pascal et Annick Quénard (parmi la multitude de Quénard vignerons dans la région) possèdent 8 hectares de vignes, plantées en jacquère, bergeron (l’appellation locale de la roussanne), mondeuse et gamay et font partie de ces vignerons sérieux. Les vignes y sont traitées avec respect, sans irrigation ni pesticides, les vendanges sont faites manuellement et les fermentations sont menées à partir des levures présentes naturellement dans le vignoble. C’est la Mondeuse “La Sauvage” 2010 qui est présentement offerte au Québec.

Dans le verre, cette mondeuse Sauvage déstabilise un peu. Au nez, beaucoup d’épices, des notes de violettes et le fruit prend un rôle de soutien. La bouche est fraîche et c’est cette acidité qui est structurante car les tannins sont présents mais prennent aussi le rôle de second violon. Le lendemain, il s’était transformé et ouvert, et même devenu plus agréable. Il était de manière générale plus équilibré: l’acidité est rentrée dans le rang et le vin s’était légèrement complexifié.

Pour un peu plus de 21$, on est en présence d’un vin qui se bonifiera au cours des prochaines années, tout en vous gardant en dehors de votre zone de confort.