Une bouteille âgée à ne pas manquer

Il est plutôt rare que des vieux millésimes fassent leur apparition sur les tablettes de la SAQ. Il est encore plus rare que ceux-ci soient abordables. L’exception qui confirme la règle est toutefois de retour en magasin: le Taurasi Radici Riserva de Mastroberardino.

L’appellation Taurasi est située en Campanie, dans le sud de l’Italie et produit des vins à base d’aglianico, un vieux cépage probablement amené là par les Grecs. Il était mentionné par Pline l’Ancien comme un des cépages les plus qualitatifs de la région.

La maison Mastroberardino est le pionnier de la viticulture en Campanie. La maison actuelle a été fondée en 1878, mais la famille fait du vin depuis 11 générations, comme on en retrouve parfois en Italie (on pense entre autres à Antinori et Frescobaldi en Toscane). À un certain point, Mastroberardino produisait près de 90% de tout le vin de l’appellation, mais puisque celle-ci connaît une renaissance depuis une dizaine d’années, ce pourcentage est en forte diminution.

Ceci étant dit, les seuls Taurasi que l’on retrouve à la SAQ sortent des caves de Mastroberardino. Le Radici Riserva est présent dans le millésime 2008 mais aussi (et surtout!) dans le millésime 1998, même si le site de la SAQ liste le millésime 1999.

Quinze ans plus tard, les tannins sont bien fondus et le nez est définitivement sur les notes tertiaires de champignon, sous-bois et thé noir. Le fruit n’est pas tout à fait disparu par contre, mais les fraises ne sont certainement pas à l’avant-plan. En bouche, on goûte la douceur que seul le temps peut apporter. Toutes les composantes du vin forment un tout cohérent et reste en équilibre. Il est toutefois une petite coche en-dessous du merveilleux millésime 1999 qui a garni les étalages de la SAQ l’année dernière, qui lui était en tous points exceptionnel. Le 1998 donnera beaucoup de plaisir dans un avenir rapproché, mais ça ne vaut pas la peine de le garder bien plus longtemps.

On idéalise souvent les vieux millésimes, mais la réalité est que peu de gens ont vraiment une expérience de dégustation avec ce type de vin et que ça ne plaît définitivement pas à tous! Considérant que le même vin se vend environ le double du prix aux États-Unis, on serait fou de s’en passer. Sautez le Starbucks pour quelques jours afin de vous offrir cette bouteille et célébrer un événement heureux qui s’est passé pour vous en 1998!

Trois rosés pour votre table estivale

Domaine du Vieil Aven
Domaine du Vieil Aven – Photo: SAQ.com

L’été est maintenant fermement arrivé, les terrasses sont ouvertes et les ventes de rosé sont à leur sommet. Parfaits pour l’apéro entre amis, on oublie trop souvent que les rosés font aussi des très bons partenaires à table. En voici trois dégustés récemment qui feront bien des heureux autour de votre table, que ce soit cet été, pour amener un peu de soleil cet hiver ou juste pour montrer qu’un bon rosé, c’est autre chose qu’un Gallo…

Le vignoble de Tavel, dans le sud de la Vallée du Rhône, produit uniquement des vins rosés à base des cépages classiques de la région: grenache, mourvèdre, syrah, cinsault, etc. Sur les tablettes de la SAQ, on en retrouve 5, dont le Domaine du Vieil Aven. La robe, d’un rose soutenu, annonce une bonne concentration et son nez de framboises, soutenu par des notes épicées, est aussi retrouvé en bouche. Ce qui en fait un classique, année après année, c’est qu’il sait aussi conserver une bonne fraîcheur. En plus, il est habituellement disponible aux succursales SAQ Dépôt, ce qui le rend d’autant plus intéressant!

Vin gris de Cigare - Photo: SAQ.com
Vin gris de Cigare – Photo: SAQ.com

La Californie sait produire son lot de sirop pour la toux aux framboises, que certains appellent White Zinfandel. Sucrés et sans acidité, je vais prendre un cooler Casal Domingo avant les deux principaux qu’on a au Québec… Et que dire du Ménage à Trois Rosé, un peu plus sucré que sa version rouge… Ceci étant dit, il ne faut pas mettre tous les rosés californiens dans le même chapeau. Le Vin Gris de Cigare de chez Bonny Doon fait bande à part. D’une couleur plus pâle que le Tavel, les notes dominantes sont florales plutôt que fruitées. L’équilibre et la fraîcheur ne sont jamais très loin, ce qui en fait un candidat idéal pour la dégustation l’été prochain, lorsqu’il aura pris un peu plus de maturité. Entretemps, servez-le avec un filet de poisson grillé sur le barbecue lors d’une jolie soirée d’été!

Cape Bleue - Photo: SAQ.com
Cape Bleue – Photo: SAQ.com

Jean-Luc Colombo est un vigneron réputé du nord de la vallée du Rhône, dont la réputation est bâtie sur ses crus de Cornas (que je n’ai jamais goûté…). On retrouve sur les tablettes depuis le début de l’été un rosé qui porte sa griffe. Les images font rêver: des vignes faisant face à la Méditerranée, non loin de Marseille, des oliviers et de la garrigue et le calcaire blanc qui contraste avec le bleu de la mer. Syrah et mourvèdre s’allient ici pour donner le Cape Bleue 2013: un vin qui tire seulement 12% d’alcool, qui a une couleur qui tire plutôt sur le saumon, avec des notes classiques de framboises et de cerises, mais aussi ce côté olive noire et garrigue qu’on retrouve dans la syrah de cette partie du monde. Amenez-le ainsi qu’un peu de beau temps, je grillerai un poulet sur le barbecue pour l’accompagner.

Le printemps grec

Lorsqu’un amateur de vin parle d’un pays producteur qui l’enthousiasme, la Grèce vient rarement en tête de liste. Au mieux, vous tombez sur quelqu’un comme moi, qui n’hésite pas à recommander un vin grec lorsqu’un collègue demande conseil le vendredi après-midi (ne serait-ce que pour les sortir de leur zone de confort…).

Ainsi, lorsque l’agence Oenopole m’a contacté pour m’inviter à une soirée dégustation autour des vins grecs, je n’ai pas hésité une seconde. Il faut savoir que cette agence d’importation est à l’avant-poste de la mise en disponibilité des vins de la péninsule hellénique au Québec et ces vins composent environ 25% de leur portfolio! J’avais eu quelques bonnes expériences avec leurs produits, mais je ne pouvais pas m’attendre à une soirée du niveau de celle que nous avons eu.

Orientée sur la découverte des terroirs et des cépages grecs, habituellement méconnus, entre autres à cause de leurs noms intimidants… Ainsi, on a pu se familiariser entre autres avec le moschofilero, le rodvitis, l’assyrtiko et le xinomavro, pour notre plus grand plaisir gustatif. De plus, on a pu constater tout leur potentiel à table avec les (brillants!) accords d’Olivier Godbout.

Comptant pour près de 75% de toute la production grecque, les vins blancs ont tout naturellement pris les devants. On retrouve dans les blancs grecs une tension particulière et une acidité vive, ce qui peut surprendre compte tenu de l’ensoleillement qui orne les couvertures des magazines de voyage… Le sol escarpé, pauvre et bien souvent volcanique, la présence rafraîchissante de la mer, traditions millénaires de vinification. Tout est en place, il ne reste qu’à convaincre le consommateur d’y goûter!

Avec un duo de calmars grillés au paprika fumé et de crevettes épicées à l’ail, trois blancs aromatiques qui feront un malheur lors de l’ouverture de votre terrasse, maintenant que le soleil daigne se pointer le bout du nez. Le Savatiano 2013 de Papagiannakos, correct sans être spectaculaire lorsque servi seul s’est révélé lorsque accompagné du calmar grillé. Quant au moschofilero Mantinia 2013 du domaine Tselepos, il a su allier avec brio l’intensité des fruits exotiques avec un côté droit et salin qui a fait des merveilles avec les crevettes.

On a ensuite pu goûter à deux vins provenant de l’île de Santorini, un caillou volcanique du sud-est de la mer Égée. À cause de la composition du sol, le phylloxera n’a jamais pu s’y implanter et toutes les vignes sont franches de pied! L’assyrtiko y est roi et maître, et est parfois assemblé avec du l’athiri et de l’aidani…

Vignoble de Santorini
Vignoble de Santorini

On a retrouvé dans cette vague les deux stars de la soirée. Le Atlantis 2013 du Domaine Argyros, du haut de ses 18,65$, sera certainement en grandes quantités en cave pour les chaudes soirées d’été, avec ses notes de fruits exotiques et son acidité vive qui garde le tout en équilibre. Quant au Santorini 2012 de Hatzidakis, il était une grosse coche au-dessus de tout le reste. On se demande comment il est possible d’embouteiller autant de qualité pour que 23.55$. Au moment d’écrire ces lignes, il ne reste que 119 bouteilles, réparties dans une poignée de succursales. Habitants de Baie-St-Paul, Rosemère et Sorel, courez vers votre SAQ, vous ne le regretterez pas.

En rouge, c’est le Naoussa Jeunes Vignes du Domaine Thymiopoulos qui a retenu les papilles. On est ici assez proche du Piedmont que j’aime tant, avec un nez complexe de fraises, de poivre et de violettes, avec des tanins fins, mais qui ne laissent pas leur place. Confortablement sous la barre des 20$, il s’agit d’un rapport qualité-prix difficile à battre, qui saura aussi vieillir en beauté dans votre cave pour quelques années, si vous réussissez à ne pas toutes les boires d’ici-là!

Et non, on n’a pas bu de la Restina pendant toute la soirée, contrairement à ce que certains auraient pu penser! Quoique je n’aurais pas dit à un petit ouzo comme point d’orgue à cette soirée particulièrement spéciale…

Merci encore à Élisabeth Lebel d’Oenopole pour l’invitation, à Théo Diamantis pour avoir animé la soirée d’une main de maître et au Cercle de s’être donné à fond dans les accords mets et vins. Les photos de la soirée sont de mon amie Caroline Décoste qui a joué au photographe pendant que mes batteries étaient à plat.  

 

La dure vie de chroniqueur vin

Dans la tête de plusieurs, le travail de chroniqueur en vin est plutôt glamour et consiste en passer de dégustation en dégustation, surfant d’un grand cru à un autre. La réalité est toutefois plus mitigée: les coups de coeur sont souvent beaucoup plus espacés que les écrits peuvent le montrer…

Puisque c’est toujours plus agréable de faire ça bien entouré, mon ami Rémy Charest a invité quelques amis pour partager les impressions, les bouteilles et une agréable soirée!

Sur la table, 10 blancs, 1 rosé et 12 rouges, tous servis à l’aveugle. pas de thématique dans l’agencement des vins,  à part le fait qu’il s’agit d’échantillons envoyés par des agences d’importation pour des fins d’évaluation. La majorité était disponible à la SAQ, mais certaines bouteilles se retrouvaient uniquement ailleurs au pays. Bref, il y avait un peu de tout!

Échantillons prêts pour la dégustation
Échantillons prêts pour la dégustation

En blanc, peu de vins étaient dans ma palette, mais la dégustation à l’aveugle nous réserve toujours quelques surprises. Agréable surprise pour le pinot gris de Kim Crawford, loin de la caricature qu’offre son sauvignon blanc: balancé, bien aromatique et droit. Même son de cloche du côté du gewürztraminer de Sumac Ridge, un cépage qui me laisse particulièrement indifférent habituellement, le trouvant souvent un peu “guidoune”. Dans ce cas-ci, pas d’excès de fleurs ou de savon

CMS Cabernet Sauvignon/Merlot
CMS Cabernet Sauvignon/Merlot

Du côté des déceptions, le Blanc 2013 de Chartier, décidément moins bien réussi que le 2012 que j’avais bien aimé. Était-il encore sous le choc de l’embouteillage? Aussi, le chasselas-pinot blanc de Quail’s Gate nous a laissé sur notre soif, manquant de prestance et d’acidité. Finalement, les Jardins de Bouscassé en a déçu plusieurs, puisque M. Brumont fait habituellement des très belles choses. Dans ce cas-ci, le nez était particulièrement désagréable (mouffette? sac de vidanges?), qui ne donne pas du tout le goût d’y retourner.

Du côté des trucs franchement moches, le Dreaming Tree Everyday, un mélange hétéroclite de raisins provenant de la Central Coast de la Californie. J’ai particulièrement fait le saut lorsque j’ai vu le prix demandé de 17.95$. Un vin un peu mou, avec un sucre résiduel assez important (il est classifié comme demi-sec!) qui plaira aux amateurs de Ménage à Trois.

En rouge, on a eu droit à quelques belles surprises, notamment le pinot noir de Baron Philippe de Rothschild, frais, épicé et particulièrement digeste et au CMS Cabernet Sauvignon/Merlot/Syrah qui a su ressortir à la fin d’une série de 7 cabernets bien modernes qui ont achevé plusieurs des amateurs autour de la table… Dans les deux cas, ils seront sur ma liste d’achat à l’avenir.

On ne pourrait dire la même chose du Red Revolution, un des nouveaux vins à bas prix introduits par la SAQ récemment. Sous un format de 750 ml, on a un liquide boisé, vanillé et sucré à l’excès, qui a su faire l’unanimité autour de la table. Le Cliff 79 Cabernet/Shiraz qui le suivait passait pour un modèle de retenue et de délicatesse, c’est pour dire… Si c’est pour ça la campagne de ramener les vins à moins de 10$ sur les tablettes de la SAQ, je suis plutôt d’avis que la SAQ devrait chercher à étoffer sa catégorie autour de 15$ plutôt que de sacrifier à ce point…

Bref, au sortir de cette soirée des plus agréables, un constat s’impose: le métier de chroniqueur vin n’est pas nécessairement facile et on en voit passer de toutes les couleurs, autant des jolies nuances colorées que plusieurs tons de beige et de brun. La dégustation objective de 23 vins consécutives est une tâche difficile qui demande une bonne dose de concentration et un bon crachoir à portée de main!

Partager des souvenirs

Il n’y a rien comme partager une bonne bouteille entre amis. De plus, lorsque la dite bouteille possède une histoire hors du commun, c’est d’autant plus plaisant. Prenez quelques minutes pour lire l’histoire surprenante de mes deux bouteilles de Crozes-Hermitage 2001 de Paul Jaboulet Aîné.

En voyage au Melia Caribe Tropical à Punta Cana, la dernière chose qu’on pense ramener comme souvenir est une bouteille de vin… Le vin qui était servi lors des repas était scandaleusement mauvais et on s’était résigné à boire de la bière “El Presidente” pendant la durée de notre séjour. Toutefois, le personnel de Vacances Transat nous mentionne que, dans le centre d’achats voisin du complexe, il y avait une boutique de vin et que le Melia ne chargeait pas de droit de bouchon dans ses restaurants.

Melia Caribe Tropical

Direction La Enoteca, donc, sans grand espoir. Rendu sur place toutefois, la surprise a été plutôt agréable. La sélection était surtout composée de vins chiliens, argentins et espagnols et les prix, légèrement plus élevés que ceux pratiqués à la SAQ. Toutefois, certains vins étaient soldés à 30% et 50%, ce qui a permis d’avoir des jolies fioles (un Rioja 2004 de Finca Allende pour une vingtaine de dollars et un pinot noir Greenpoint 2006 pour  moins de 20$).

Jaboulet Crozes Hermitage 2001
Jaboulet Crozes Hermitage 2001

Derrière la caisse, un panneau indiquant “Ask about our wine club. 30% on Grand Cru Classé wines. 50% on Paul Jaboulet wines.” Ayant remarqué une jolie sélection de Jaboulet avec un peu d’âge (La Chapelle rouge! La Chapelle blanc! Cornas!), je suis curieux mais on me pointe sans trop de cérémonie que je dois être membre du club. Un Crozes-Hermitage 2001 m’était toutefois tombé dans l’oeil, mais je voulais faire quelques recherches pour voir si le prix, environ 40$, avait du sens.

Après m’être convaincu que le prix était correct, je retourne en chercher une bouteille et, en arrivant à la caisse, une sympathique caissière me mentionne: “Do you know that this one is at 50%?” Pas de mention du wine club alors je lui réponds “At this price, I’ll take two!”, malgré un peu d’appréhension au niveau des conditions de conservation…

Au retour, profitant d’un souper entre amis, je relève une bouteille, question de décanter l’important dépôt présent dans la bouteille. À l’ouverture, on pousse un soupir de soulagement: le vin ne semble pas avoir souffert du transfert dans le port de Santo Domingo… Le nez est clairement évolué, sur les feuilles mortes, les fruits séchés sans toutefois perdre le côté épicé qu’on aime tant dans la syrah. En bouche, la surprise se poursuit, en fraîcheur et en équilibre, avec des tanins bien fondus, comme seul 13 ans de vieillissement peuvent le faire. La finale est un peu courte? Pas grave, ça ne fait que rappeler d’ouvrir la prochaine assez rapidement…!