Carnets italiens: un après-midi chez Calabretta

À la fin d’un joli après-midi sur les flancs de l’Etna, on s’arrête au centre-ville de Randazzo, pour y faire la découverte des produits de Calabretta. Situé à une quarantaine de minutes de la station balnéaire de Taormina (ci-dessous), Randazzo est le village situé le plus près du cratère de l’Etna et forme le coeur de cette région vinicole.

Etna, depuis TaorminaSi le nom de Calabretta n’est pas nécessairement familier au Québec, il a su faire sa place dans la viticulture sicilienne. La famille produit du vin depuis le début du XXe siècle, mais il est vendu principalement aux restaurants locaux. C’est toutefois à partir de 1997 que Massimo et Massimiliano Calabretta, respectivement 3e et 4e générations de vignerons, ont décidé d’embouteiller sous leur propre nom.

Lors de notre visite, Salvatore nous a accueilli chaleureusement dans le jardin et nous a fait d’abord visiter les installations. Agrandies au fil du temps, construites sur plusieurs niveaux par la force des choses, le domaine reçoit ceux qui veulent bien visiter, sur réservation préalable. Au jour le jour, Salvatore travaille dans le chai et c’est lui qui nous mène à travers les divers étages et différents vins, Massimiliano étant retenu à l’extérieur lors de notre passage. On a la chance d’avoir quelqu’un qui a les deux mains dans le vin à longueur de journée, pas un amateur de la visite pour touristes de passage.

Dans l’échange de emails avant notre visite, Massimiliano me mentionnait que la dégustation commencerait par un tour d’horizon de 2012, tiré directement des cuves, des barriques et des botti, ces immenses barriques de 50 à 75 hectolites. On goûte ici au Nerello Mascalese avec la vigueur de la jeunesse, des fruits rouge en quantité et des tanins prédominants, bien que dans des terroirs spécifiques comme Solichiatta, il révèle une fraîcheur et un légèreté insoupçonnée. Dans sa version rosée, on a affaire à un vin sérieux qui fera certainement plus d’heureux à table qu’à l’heure de l’apéro. Les jeunes vignes sont rassemblées dans la cuvée GaioGaio, qui se veut un vin de soif, moins complexe mais qui se boit comme du petit jus.

Ce n’est toutefois pas ce que Calabretta veut principalement mettre de l’avant. L’Etna Rosso est conservé pendant 10 ans (!) dans les botti avant d’être embouteillé. Vous avez bien lu, ils passent 10 ans avant de voir les tablettes.  La verticale d’Etna Rosso, toute tirée directement des botti nous a permis de constater directement l’évolution de ce vin. D’un monstre de tanins, il évolue gracieusement tout en conservant un équilibre et une longueur impressionnante. Au bout de 10 ans, il arrive déjà mature et prêt à boire, avec sa belle robe tuilée par les années. La beauté de la chose? Le prix est raisonnable, même ici au Québec…!

Au Québec, le domaine est représenté par Oenopole et est disponible en importation privée. Au moment d’écrire ces lignes, une commande devrait arriver au Québec à la fin-octobre. On pourra ainsi mettre la main sur du GaioGaio 2010 (22$) et des magnums de Etna Rosso 2002 pour 57$. Moins cher qu’un magnum de Liano? N’importe quand!

Merci à Aurélia d’Oenopole de m’avoir mis en contact avec Calabretta. 

La fraîcheur de la Sicile

La Sicile fait rêver, avec ses côtes ensoleillées donnant sur la Méditerranée, ses eaux turquoises, la vallée des temples, les poissons fraîchement pêchés et apprêtés simplement, le marché de Palermo…

Source: Antonio Ilardo sur Flickr

D’un point de vue vinicole, le soleil du sud gorge les raisins de sucre et les vins qui en résultent sont à l’image de la région: généreux, colorés et qui en mettent plein la gueule. Aussi, on est loin des petits domaines familiaux de la Bourgogne ou du Piemonte, les grands domaines de la région produisant souvent des millions de caisses par année. Au final, les vins qui y sont produits sont souvent très bons, mais pas nécessairement distinctifs. Pour des bons exmples, allez chercher un Cusumano ou vin de Donnafugata. Vous ne serez pas déçus de ce que vous aurez dans le verre, mais est-ce particulièrement Sicilien?

Certains vignerons sont toutefois en marge de ce style de vin, en cherchant à produire des vins plus en finesse, en fraîcheur et qui représentent plus fidèlement leur terroir. La figure de proue de ce mouvement est Arianna Occhipinti, dont un petit arrivage de son SP68 2011 (Nero d’Avola et Frappato) a causé la frénésie dans les SAQ de la province il y a deux semaines. En un peu plus 3 heures, la majorité des 900 bouteilles disponibles se sont envolées.

J’ai pu goûter au SP68 2010 en avril grâce à Leslie Trites à Tastecamp et j’avais mis la main sur quelques fioles du Frappato 2010 en importation privée chez Oenopole et je peux affirmer que le buzz est amplement mérité et il faudra surveiller le prochain arrivage, prévu au printemps 2013.

Entretemps, pour goûter à cette Sicile de fraîcheur, vous pouvez mettre la main sur une fiole de Frappato de l’Azienda Agricola COS. Ce regroupement de trois amis d’université (Giambattista Cilia, Cirino Strano et Giusto Occhipinti, l’oncle d’Arianna…) font du vin depuis les années 1980, un peu à contre-courant des méthodes habituelles. Pour certains de leurs produits, les fermentations sont faites en amphores, un peu comme on retrouve en Géorgie.

Le Frappato disponible à la SAQ est un exemple de fraîcheur, de modération et d’accessibilité. Le nez est sur les cerises légèrement amères, les fraises et les épices. On reconnaît certains accents du sud, sans que ça ne prenne toute la place. En bouche, une saine acidité garde le tout en équilibre et ça se boit comme du petit jus… On pourrait le comparer à un bon cru du Beaujolais, en version un peu plus sudiste.

Associez-le à un plat de pâtes tout simple et il fera des miracles. Dans mon cas, ce fut des spaghetti avec chorizo, tomates cerises fraîches et épinards tout juste tombés et le mariage avec l’amertume des épinards et la fraîcheur des tomates a été tout à fait réussi.

Danny St-Pierre au travail!

Une virée chez Auguste

Faire six heures d’auto pour aller souper au resto, est-ce raisonnable? En tout cas, si la destination est le restaurant Auguste à Sherbrooke pour aller rencontrer le chef Danny St-Pierre, la périple est certainement justifiable. Ainsi, pour l’anniversaire de ma douce, on file en direction des Cantons de l’Est pour un weekend des plus gastronomiques.

Danny St-Pierre au travail!
Danny St-Pierre au travail!

Assis à notre place au bar, la vue sur la cuisine ouverte est imprenable et on est propulsé immédiatement au coeur de l’action. Lors de notre passage, il manquait un employé en cuisine, ce qui a causé quelques périodes de frénésie plus intenses lors de la sortie de tables plus volumineuses. D’un point de vue de spectateur, c’est un ballet particulièrement agréable à observer, qui nous confirme que faire rouler une cuisine de restaurant nécessite une bonne dose de sang froid…!

Avant tout, la cuisine ouverte et le bar tout proche permet aux chefs d’exprimer tout leur côté social, en jasant et plaisantant avec les convives. Tout au long de la soirée, on peut constater que Danny St-Pierre est non seulement un passionné de bouffe, mais aussi un passionné de rencontres. Il prend soin de son monde, s’assure que tout se passe bien et que tout le monde est à l’aise et passe une belle soirée.

Côté cuisine, le menu Auguste, pour lequel nous avons opté se présente sous une forme classique du bistrot: entrée, plat, dessert. La Tablée, c’est l’orgie culinaire: présentés au centre de la table, les plats forment un buffet convivial de 4 services. Une formule couche-tard de deux services est disponible après 21h, pour le bas prix de 20$ (une aubaine!).

En apéro, une des spécialités de la maison est la poutine inversée: une savant remise en forme de notre plat national. Ces petites boules de frites et de fromages renferment de la sauce brune. Ludique, créatif, savoureux.

De la poutine à l'envers
De la poutine à l'envers

Dans mon assiette: un pavé de foie de veau parfaitement rosé, des haricots tout juste craquants mais surtout des pommes de terre grelots au bacon. Étant tout près de la cuisine, c’est le parfum des patates qui m’a fait définitivement pencher vers ce plat. Le boudin choisi par Geneviève était bien croûté et tout à fait savoureux. Celui du Pied Bleu à Québec vient de se trouver un concurrent sérieux. Ce ne sont pas nécessairement des plats complexes, mais ils sont parfaitement exécutés et la satisfaction du travail bien fait est évidente.

Au niveau de la carte des vins, on y retrouve à 80% des importations privées, majoritairement européennes. Les vins y sont parfois natures, parfois bio ou biodynamiques mais visiblement toujours choisi avec soin. Notre choix s’est arrêté vers un carafon (500 ml) de Frappato de Centonze, qui s’est très bien marié avec nos choix. Ce vin ne voit pas de bois lors de son élevage, ce qui permet de préserver tout l’éclat du fruit que le frappato a à offrir. Le domaine est représenté au Québec par réZin, qui propose toujours des produits de très haut niveau.

Le lendemain matin, on retourne sur la rue Wellington pour un festin cabane à sucre, au profit de la Tablée des Chefs. Avant le repas, le chef est venu nous mettre en garde: “Ça va être violent!”. Violent, oui, mais délicieux surtout! Ainsi, c’est avec la porchetta (fondante, avec la peau croustillante à souhait), les saucisses chômeur (!!) et la slush aux pommes dans un verre en guise de tire sur la neige que nous retournons vers Québec, le ventre bien rempli et le coeur léger grâce à tout l’équipe du Auguste.

Du bonheur en forme de saucisse chômeur
Du bonheur en forme de saucisse chômeur

Il reste deux jours pour profiter de la cabane à sucre Auguste, le 25 mars et le 1er avril. Si vous passez par Sherbrooke, c’est un must. Si vous n’êtes pas à Sherbrooke, ça vaut la peine de faire un peu de route pour s’y rendre! Les participants du Foodcamp à Québec auront la chance de côtoyer le chef lors d’un atelier le 28 avril prochain. Pour ma part, tous les prétextes seront bons pour passer par Sherbrooke et retourner s’asseoir au bar, siroter un verre et se gaver de pommes de terre au bacon…!

Era Inzolia 2008

Era Inzolia 2008
Era Inzolia 2008

Avec plus de 350 cépages indigènes, l’Italie regorge d’opportunités pour la découverte. De plus, puisque plusieurs de ces cépages sont cultivés dans le cadre d’appellations moins connues et prestigieuses, les prix sont souvent bien honnêtes. C’est le cas du Era 2008, fait d’Inzolia et offert à la SAQ au prix de 15,45$.

On pense que ce cépage est originaire de l’oeust de la Sicile et c’est dans cette région qu’il est toujours principalement cultivé. On le retrouve aussi en Toscane sous le nom d’Ansonica où une version passerillée est faite à l’île d’Elbe. Il entre aussi dans la production du marsala doré ou ambré.

Le projet ERA est une initiative de la maison piémontaise Cantina Volpi se concentrant sur la viticulture bio, avec les certifications de tous les organismes possibles: I.C.E.A., ISO 9001/2000, BRC et IFS. Les vignobles, répartis un peu partout en Italie (Sicile, Abruzzes, Pouilles, Les Marches, Vénétie), produisent des vins qui sont tous embouteillés à la maison-mère dans le Piedmont. Bien que ça soit moins pire que le Masi Tupungato Paso Doble (vinifié en Argentine, embouteillé en Italie), on est un peu ici en contradiction avec la mission biologique que veut se donner le projet.

Nonobstant ce petit accroc à la mission du projet, ce qu’on retrouve dans la bouteille est de très bonne qualité. La SAQ qualifie ce vin avec la pastille Fruité et Vif et dans ce cas-ci, la description est tout à fait appropriée. Le nez est expressif, avec des notes d’agrumes et de pommes vertes. La bouche est cohérente et est bien équilibrée par l’acidité qui nous accueille en début de bouche. Somme toutes, il ne s’agit pas d’un vin bien complexe, mais rien n’accroche et on en redemande, surtout à ce prix!.

[rating:2/5] – Code SAQ: 11015638 – 15,45$