Quelques fioles chez Creaform

C’est devenu une tradition chez Creaform, depuis 4 ans maintenant, je participe à l’organisation d’une dégustation pour les collègues. Il s’agit entre autres d’une occasion de se réunir entre amis après les heures de bureau, mais j’en profite aussi pour initier certains à des vins qu’ils n’auraient pas achetés autrement.

Le format est toujours un peu le même: un apéro puis trois vagues de trois vins en confrontation pour finir avec un dessert. On essaie autant que possible de faire des services thématiques, par exemple 3 pinot noirs du monde, mousseux et champagne, etc. On y sert les vins à l’aveugle et, pour s’amuser un peu, on pose des questions amenant les gens à réfléchir sur les vins.

Cette année, on désirait souligner les 10 ans de Creaform par le thème de nos services. On a donc réuni 6 vins provenant des pays où Creaform a des bureaux de même qu’un service de vins du millésime 2002, année de fondation de la compagnie. Bref, un thème très “corpo”, mais qui a donné des résultats intéressants!

En apéro, on reçoit les gens avec des bulles, question de lancer la soirée sur une bonne note. En faisant quelques recherches, j’ai difficilement pu éviter le Prosecco Bisol Talento Pas Dosé 2002, offert pour 39$ à la SAQ Signature. Les bulles sont fines (mais disparaissent un peu rapidement), le nez est expressif et complexe et la bouche est bien ample. Un mousseux de 10 ans à un prix d’ami, sur lequel vous pourrez mettre la main si vous faites rapidement, il n’en reste que 6 à Québec. Heureusement, il y en a une cinquantaine à Montréal et la SAQ Signature expédie les bouteilles gratuitement partout en province.

Le premier service était composé de trois vins blancs, tous très différents les uns des autres. Le sauvignon blanc de Sula Vineyards en a surpris plus d’un car il est élaboré dans le Nashik, à 180 km au nord de Mumbai. Dans le verre, il s’agit d’un bon exemple d’un sauvignon blanc d’entrée de gamme, résolument nouveau monde comme on pourrait le retrouver en Nouvelle-Zélande ou au Chili. Les amateurs de sauvignon blanc ont bien apprécié et le fait de le servir à l’aveugle a permis de passer outre l’étiquette un peu caricaturale avec le soleil moustachu… Pour 14.20$, il entrera sans trop de problème dans votre rotation de vins de semaine.

Ensuite, deux vins un peu plus sérieux, soit le Riesling Egon Müller Scharzhof M-S-R 2011 et le Château Tour Léognan 2010, le deuxième vin du Château Carbonnieux à Pessac-Léognan. Deux vins qui partagent peu, mais qui ont offert tous deux des belles expériences. Le Scharzhof fut une superbe introduction aux rieslings allemands pour plusieurs, tout en jeunesse et en fraîcheur, avec des notes d’agrumes et d’hydrocarbure typiquement retrouvées dans ces vins. Le Pessac-Léognan a divisé l’assemblée. Certains ont détesté le nez, classique Bordeaux blanc avec une bonne dose de sémillon (30% dans ce cas) et un généreux apport de bois. L’autre moitié ont apprécié la complexité du nez et la bouche sans lourdeur. Le contraste avec le sauvignon blanc indien était saisissant et personne n’aurait pu deviner qu’il s’agissait principalement du même cépage…

Le premier service de rouge s’ouvrait avec le vin louche de la soirée. Acheté dans un petit magasin a Tokyo par un collègue un peu pressé, on a pu trouver un peu d’information sur les bouteilles de Soryu Winery à son retour. Avec l’aide précieuse de Google Translate, on a trouvé qu’il s’agissait d’un vin à base de Concord, et qu’il était “brewed without the use of preservatives, such as antioxidants” et qu’il titrait 10.5% d’alcool. Dans le verre, il offrait une couleur presque pourpre et, au nez, on aurait pu le confondre aisément avec du jus de raisin Welch. L’alcool ne se sentait pas du tout, il était complètement dominé par le jus de raisin et le sucre résiduel. Il s’agit certainement de vin qui a fait le plus jaser durant la soirée!

Source: Yeswine.com

À ses côtés, les autres vins ont un peu été dans l’ombre injustement. Une fois la surprise passée, le pinot noir Grower’s Blend 2009 de Tawse offrait une belle expression de ce cépage que j’ai trouvé tout en finesse et en délicatesse. Toutefois, l’acidité est encore bien présente et la bouteille que j’ai en cave patientera à l’année prochaine.

On a terminé cette vague avec le cabernet sauvignon Tasya’s Reserve 2010 de Grace Vineyards, directement ramené de la boutique du domaine à Shanghai. Initialement, il est ressorti comme un cabernet de belle facture, bien fait, mais sans nécessairement être distinctif. Toutefois, c’est le verre qui restait dans la bouteille et que j’ai bu 3 jours plus tard qui m’a le plus impressionné. Le vin s’était ouvert considérablement et est passé de cabernet correct (mais sans plus) à un beau rouge de facture classique, avec les tanins bien intégrés et offrant une longueur impressionnante. On est ici en face d’un exemple probant qui montre que ce n’est qu’une question de temps avant que la Chine réussisse à assembler à la fois les bons cépages avec les bons terroirs et la bonne main d’oeuvre. Lorsque ça sera fait, je suis persuadé que les vins qui y seront produits en surprendront plusieurs.

Le dernier service, composé de trois vins du millésime 2002, a aussi été tout en contrastes. Le Movia Veliko Brda 2002, produit dans un domaine à cheval entre la Slovénie et l’Italie, a brillé. Tanins fondus, nez expressif, encore une bonne dose de fruits: tout y était. En plus, pour un prix quand même raisonnable de 39$, elle aura fière allure sous le sapin ou sur une table à Noël. Le Montus Prestige 2002 était quant à lui un monstre de concentration et commencera à se révéler dans les 5-10 prochaines années. Pour l’instant, il est difficile d’approche et en met littéralement plein la gueule, au point de manquer de finesse et de cohésion. Il se replacera sans doute mais si vous en avez en cave, laissez-les filer quelques années. Finalement, le cabernet sauvignon Prediville Reserve en a déçu plusieurs. Il était certes bon, à point et avait intégré son bois, mais pour 80$? Presque tous lui ont préféré le Slovène pour la moitié du prix…

En guise de dessert, un superbe porto Colheita 1986 de Niepoort, qui avait une couleur ambrée très pâle, au point où plusieurs ont pensé que c’était un porto blanc qui avait vieilli. Au final, il s’agit d’une très belle expérience puisqu’il est assez rare de mettre la main sur une bouteille de cet âge (il n’en reste d’ailleurs plus à la SAQ).

Cette soirée est toujours une de mes préférées de l’année au bureau. C’est pas mal de travail à organiser, mais les commentaires et le plaisir qu’en retirent les amis repaye les efforts au centuple. On se revoit l’année prochaine!

Du vin en Chine…

Lors de mes deux semaines en Chine, on m’a souvent posé la question suivante: “Et puis, le vin en Chine…?” Dans la majorité des cas, c’était aussi accompagné d’un petit sourire qui en disait long sur la perception des gens sur le vin chinois.

C’est en visitant le pays qu’on prend la mesure de la relation des Chinois avec le vin. Bien qu’on retrouve des vignes en Chine depuis le deuxième siècle avant notre ère, elles furent principalement utilisées comme raisin de table ou pour faire des raisins secs. Encore aujourd’hui, seulement 13% du vignoble chinois, pourtant le quatrième vignoble mondial, est vinifié.

Photo prise lors du Salon international du vin à Hong Kong, le 15 août 2008. (Photo: AFP)
Photo prise lors du Salon international du vin à Hong Kong, le 15 août 2008. (Photo: AFP)

En voulant simplifier un peu, on peut dire que le vin consommé en Chine est rouge et bordelais.

Rouge, parce que le palais asiatique est différent du palais occidental et est plus sensible à l’acidité vive du vin blanc. Ainsi, plusieurs le coupent avec du soda ou du jus de fruit pour en atténuer le goût… De plus, au restaurant, un verre de vin blanc ressemble à s’y méprendre à un verre d’eau, ce qui n’est pas idéal pour quelqu’un qui veut montrer qu’il boit du vin.

Rouge, aussi parce qu’il s’agit d’une couleur qui symbolise le bonheur, la chance et la prospérité en Chine. Or, le symbolisme fait partie intégrante de la culture chinoise et est un facteur important dans le choix du breuvage qui va accompagner le souper.

Bordelais, parce que les Chinois boivent surtout pour le prestige. Le vin est considéré comme un produit de luxe en Chine et plusieurs s’en servent pour afficher leur richesse. Or, le marketing bordelais est très efficace et ils ont su tabler sur la notion de prestige autour de leurs plus grands domaines.

Maintenant, des groupes industriels chinois achètent des domaines dans la région bordelaise, même les très modestes et la Chine forme maintenant le plus grand marché d’exportation des vins bordelais en dehors de l’Union Européenne. La stratégie dans ces investissements est principalement de capitaliser sur l’image de marque de Bordeaux pour vendre le vin à bon prix en Chine.

Avec une croissance de 30% par année lors des trois dernières années et une consommation qui est encore sous la barre d’une bouteille par année par habitant, la Chine est un marché alléchant pour tous les pays producteurs. C’est présentement la France qui détient le haut du pavé des exportations vers la Chine et les autres pays producteurs devront rivaliser de prestige afin de séduire les consommateurs chinois qui veulent goûter au prestige du vin.

Toutefois, en faisant de la recherche pour cet article, j’ai découvert le fait que 90% du vin consommé en Chine était du vin chinois.[1. Les chiffres ne précisaient pas toutefois si cette proportion était calculée selon la valeur ou le volume du vin vendu. J’ai lu qu’en terme de valeur, c’était plutôt 60% du vin consommé en Chine qui était produit localement, mais ces chiffres restent à vérifier.] Ce n’est toutefois pas ce que j’ai constaté à Shanghai, ce qui souligne la différence que je présume importante entre la métropole et le reste du pays.

J’ai toutefois dû faire des pieds et des mains pour trouver du vin chinois à Shanghai, outre le Great Wall que l’on retrouve un peu partout dans les dépanneurs et les petites épiceries. Finalement, je suis passé par hasard à côté de la boutique de Grace Vineyard, un vignoble fondé en 1997 dans la province de Shanxi. J’ai bien hâte d’y goûter, le vignoble ayant reçu des bons mots de Jancis Robinson.

Vous voulez goûter aux vins chinois disponibles à la SAQ? Le Chardonnay Dragon’s Hollow sentait le riz (!) et goûtait la barrique alors que le Cabernet-Sauvignon Dynasty goûté récemment au Salon des vins de Québec est correctement décrit comme… aqueux. Bref, si vous voulez prendre la mesure du vin chinois, ouvrez-vous un Bordeaux, ou attendez un peu!

Shanghai le jour

Depuis mon arrivée à Shanghai, je n’étais sorti en ville que le soir (eh oui, je suis ici pour travailler, tout de même…!). J’ai donc profité de mon samedi pour voir ce que la ville avait à offirir durant la journée. Puisqu’il y a beaucoup de photos aujourd’hui, elles sont toutes regroupées à la fin du post dans une jolie galerie.

Comme ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de visiter une ville qui vient tout juste de recevoir l’exposition universelle, direction tout d’abord la zone de l’Expo. Dans le guide que j’ai malencontreusement laissé à l’hôtel (!!), on mentionne que la majorité des pavillons est temporaire que seulement 5 vont être conservés. J’ai donc pu visiter le pavillon de Chine, qui est encore ouvert au public. Par contre, j’ai appris à mes dépends qu’on ne peut même pas s’approcher du reste des pavillons, la zone de l’Expo est clôturée et ça rend même la circulation un peu difficile parce qu’on ne peut pas aller où on veut…

Pavillon de la Chine - Détail
Pavillon de la Chine - Détail
J’ai été chanceux de ne faire la file qu’une petite demie-heure pour accéder au pavillon de la Chine, qui avait des files de plutôt 4 heures lors de la tenue de l’Expo. À l’intérieur, une exposition conceptuelle qui tourne autour de: “La Chine, voyez où on était il y a 30 ans et imaginez où on va être dans 30 ans”… Bien fait dans le genre! Ce qui a plutôt retenu mon attention est l’architecture à la fois audacieuse et traditionnaliste du pavillon.

Pour ce qui est du reste du site de l’Expo, c’est dommage que tous les autres pavillons soient barricadés d’assez loin, ce qui fait qu’on ne peut pas s’en approcher. J’ai quand même pu voir le pavillon de la Corée du Sud et celui de l’Arabie Saoudite (qui ressemble à une soucoupe volante avec des palmiers sur le dessus…).

Ensuite, marche le long du Huangpu, un peu forcée à cause des clôtures… Mon plan était de retourner au métro pour aller explorer la Concession Française, mais quand j’ai vu que j’allais pas vraiment pouvoir à cause des entraves, j’étais rendu au terminus du traversier qui amène dans la vieille ville et vers la Concession Française. N’ayant pas mon guide, j’y suis plutôt allé à l’instinct, m’égarant dans le dédales de ruelles qui compose Nan Shi. Je peux sans trop l’ombre d’un doute que j’étais souvent le seul non-chinois à une bonne distance à la ronde… 🙂

J’ai donc pris mon dîner dans un petit stand sur le bord de la rue dans ce quartier. Ça consistait en un genre de pâte à crêpe qui est étendu super fin sur un plateau rotatif, ils mettent ensuite des p’tits oignons verts, de la confiture d’oignon (?), et de la pâte de piment (un peu) et c’est replié autour d’un stuff frit (probablement une galette de riz). C’est bien bon et mon dîner m’a coûté 3 yuans (~0.40$) et ne brisera pas la banque de mon compte de dépenses… Surtout que je n’ai pas de facture justificative…

Ensuite, au gré des ruelles, j’arrive à Xintandi (on se rappelle que j’ai oublié mon guide, et ma carte à l’hôtel…), un shikumen retapé qui abrite maintenant des boutiques et des restaurants tredys. C’est aussi le site de la première Assemblée du Parti Communiste Chinois, que je salue bien bas, d’ailleurs… Le musée est gratuit et permet de se familiariser avec le contexte de l’époque vue décidément du point de vue qui arrange le Parti. On voit aussi un shikumen bien restauré. En plus, c’est gratuit alors, pourquoi se priver?

Pour terminer la journée, je rentre à l’intérieur de la Concession Française et j’emprunte Huaihai Lu pour aller vers mon restaurant pour la soirée. Finalement, le choix s’est porté sur El Willy et je dois dire que je ne le regrette pas du tout. Au menu de ce restaurant de tapas, une assiette foie gras mi-cuit avec pommes et bacon confit et une autre d’agneau cuit 24 heures (!) avec un baluchon d’aubergine rempli de confiture de tomates. Pas très chinois, mais ô combien délicieux. Il s’agit d’une de mes belles expériences gastronomiques, entre autres à cause de l’agneau qui était tout simplement décadent.

Au total, une journée de marche de près de 20km, plus que prévu initialement, mais une belle journée de congé! Au menu demain, visite du Shanghai Museum et aller chercher Geneviève à l’aéroport! J’ai déjà hâte!

Le Festival des Lanternes

Aujourd’hui, c’est le Festival des Lanternes, l’activité qui ferme les festivités du Nouvel An chinois. À la première pleine lune de la nouvelle année, les Chinois se rassemblent à l’extérieur, illuminent des lanternes et allument des feux d’artifice (j’entends d’ailleurs continuellement des pétards de ma chambre d’hôtel, sans les voir par contre…). La tradition remonte à Qin Shihuang (259-210 BC), le premier empereur à faire l’unification de la Chine et est tenue à la première pleine lune de l’année depuis ce temps. Il est aussi de coutume d’écrire des devinettes sur les lanternes, mais je suis pas mal certain que je ne serai pas capable d’en résoudre aucune!

Afin de démarrer cette journée spéciale, tout le monde mange des yuanxiao, des dumplings fait de farine de riz gluant, fourrés avec une pâte sucrée de graines de sésame, le tout servi dans un bouillon légèrement sucré. La texture est effectivement un peu gluante et pâteuse, probablement en partie parce que ceux que j’ai mangé ont malheureusement reposé un peu trop longtemps. Peu importe, c’est bien de pouvoir prendre part à cette tradition typiquement chinoise.

Yuanxiao, chez Creaform Shanghai
Yuanxiao, chez Creaform Shanghai

Ce soir, les Jardins Yuyuan, au centre de la vieille ville de Shanghai, deviennent le centre d’attraction. Les Shanghaiens en profitent pour sortir en famille et montrer les lanternes aux enfants.

On sort les enfants!
On sort les enfants!

Mais quand les Shanghaiens décident de sortir, même s’ils ne sortent pas tous au même endroit, ça fait pas mal de monde! Les ruelles du Jardin Yuyuan sont souvent très étroites, ce qui laisse peu de place libre… D’ailleurs, les guides de voyages suggèrent habituellement de tenter d’éviter la fin de semaine ou les journées spéciales pour les visiter et même de privilégier tôt le matin pour espérer avoir un peu de tranquilité. Ce n’était visiblement pas le cas aujourd’hui…!

Agoraphobes, s'abstenir.
Agoraphobes, s'abstenir.

Finalement, pour souper, arrêt dans un petit stand à l’intérieur même des Jardins Yuyuan. Je reviendrai sur la gastronomie un peu plus tard…!

Quelques xiaolongbao pour souper
Quelques xiaolongbao pour souper